C’est à Beaumontel sur le plateau du Neubourg dans l’Eure, sur une piste aérienne désaffectée, entre les deux fermes mitoyennes de son grand père et de son père que Bertrand Hervieu a fait ses premiers pas. Le fils que tout le monde attendait après la naissance de ses quatre sœurs est un garçon particulièrement choyé par ses grands parents. Mais, face à un destin tout tracé de chef d’exploitation agricole et la figure emblématique d’un père, Robert Hervieu, qui faisait autorité dans les instances professionnelles agricoles, Bertrand Hervieu choisit une autre voie, en quelque sorte une « rupture » contre un choix de vie malgré lui. Ce choix, il l’évoque dans « Les champs du futur », un livre prémonitoire publié en 1993, pressentant « la fin d’un métier, d’une manière de l’exercer, d’un territoire et d’une façon de le gérer ».
Très tôt, attiré par les Lettres plutôt que les mathématiques il passe le diplôme de Sciences politiques et il choisit de s’orienter vers les sciences sociales afin de comprendre le milieu où il vivait et devenir un observateur privilégié du « Chambardement de la France paysanne » d’après l’historien Fernand Braudel, « cette agriculture paysanne victime des 30 glorieuses » selon l’expression d’Henri Mendras auteur de « La fin des paysans ». C’est ce dernier qui le repère et lui met le pied à l’étrier dans son école doctorale après qu’il eut fait un exposé sur la JAC. Plutôt que de présenter l’ENA, il décide de faire sa thèse sur une question mal étudiée : les ouvriers dans l’industrie du monde rural. Cela lui ouvre les portes du CNRS où, avec son épouse, il publie deux ouvrages sur le retour à la nature et l’apparition des communautés néo-rurales après les évènements de mai 68.
Cette expertise lui permet d’être repéré par la Délégation à l’Emploi au ministère du Travail qui le sollicite pour bâtir un programme d’aide à l’emploi en milieu rural, ce qui marque un nouveau virage dans son itinéraire professionnel. Il est ensuite coopté par Michel Gervais, nouveau DGER à la sous direction de la Recherche à un moment passionnant, avec les réunions interministérielles pour la Loi Chevènement. Il a ensuite été amené à être le conseiller de différentes personnalités ministérielles comme Edith Cresson, Michel Rocard et Henri Nallet. Mais de 1986 à 1996, pendant dix ans, du fait des changements de majorités politiques, il est écarté des sphères gouvernementales. Il est réintégré au CNRS, puis rejoint le CEVIPOF, ce qui lui permet de se consacrer à nouveau à la recherche, à l’enseignement à Sciences Po, à l’ENA et à l’université sans oublier de nombreuses publications et un intermède à Matignon auprès d’Edith Cresson pour préparer les « Assise du monde rural » qui ne se sont jamais faites.
En 1997, après la dissolution surprise de l’Assemblée Nationale et le retour aux affaires du Parti socialiste, Bertrand Hervieu est de nouveau appelé comme expert suite à l’annonce d’une Loi d’orientation agricole par le Premier ministre Lionel Jospin, loi qu’il va piloter sous la houlette successive de deux ministres de l’Agriculture Louis Le Pensec et Jean Glavany. S’enchaînent ensuite des postes de responsabilités à la DGER, comme président de l’INRA, puis secrétaire général du CIHEAM avec un regard sur toute la Méditerranée, nommé inspecteur général de l’Agriculture par Michel Barnier et pour finir Vice président du CGAER par Stéphane Le Foll, sans cesser de conseiller les ministres, comme par exemple pour l’élaboration de la dernière LOI d’Avenir de l’Agriculture.
Bertrand Hervieu, on le voit, illustre à lui seul le contraste entre villes et campagnes, du fait de ses choix de carrière et de ses attaches familiales où il occupe à nouveau la maison de ses parents. Il a été un observateur privilégié et un inspirateur fécond des politiques agricoles pour tenter de décloisonner l’agriculture et son environnement. D’où sa volonté, dans sa fonction de conseiller, de souhaiter mettre en place la notion de « contrat » entre l’agriculture, le politique et la société.
Au fil des mois et années passés au contact du pouvoir dans les palais de la République et à sonder le pouls des campagnes françaises, Bertrand Hervieu s’est forgé une conviction : pour un avenir meilleur l’agriculture et principalement les agriculteurs devront désormais passer de nouveaux contrats avec la Nation et la société civile (comme le CTE et maintenant le GIEE)…avec toutefois un regret, c’est que l’Etat n’ait pas été en mesure de dégager suffisamment de moyens pour accompagner cette transformation, voire cette nouvelle révolution du monde agricole.
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Interviews et portraits
Entre Paris et Toulouse, avec un passage par les Antilles et Dijon, l’itinéraire de Michel Candau est celui d’un chercheur devenu enseignant chercheur puis directeur d’une école nationale supérieure agronomique et membre du Conseil national des universités. Professeur des universités honoraire et directeur honoraire de l’ENSA de Toulouse, il a été élu membre correspondant national en 2011, puis membre titulaire en 2014 et depuis le premier janvier 2017 Président de l’Académie d’agriculture de France.
D’origine citadine, mais avec des attaches l’été dans le milieu rural, il intègre l’ENSA de Grignon où il est recruté en troisième année par Raymond Février au laboratoire de recherches sur la conservation et l’efficacité des aliments associé à la chaire de zootechnie de l'INA Paris ainsi qu’à Jouy en Josas. Il est élève de la section « recherches zootechniques » sous l’autorité du professeur Jacques Delage et parallèlement il passe un DEA de nutrition (option physiologie de la nutrition) puis un doctorat d'Etat es sciences naturelles à l’université PARI VI.
Il choisit de faire son service militaire au titre de volontaire de l’aide technique détaché à la station INRA des Antilles et de la Guyane alors en création à la Guadeloupe, station avec laquelle il gardera de nombreux liens même lors de sa retraite. A son retour en métropole, il suit Jean-Louis Tisserand à l'ENSAA de Dijon avec qui il collabore pendant quatre ans comme maître assistant en zootechnie.
Sa thèse d’Etat soutenue en 1972 intitulée « Stimulation physico chimique et développement du rumen » lui permet alors de candidater à un poste nouvellement créé de professeur des universités à l’ENSA de Toulouse par Edgard Pisani, alors président du conseil de l’école. A 31 ans il est le plus jeune professeur d’université de France, un statut qu’il a gardé jusqu’à sa retraite. Il n’a jamais arrêté d’enseigner même quand il en était dispensé afin de garder le contact et travailler avec les étudiants dans son laboratoire de zootechnie et productions animales qu’il a dirigé jusqu’en 1991.
Ce sont ses qualités de pugnacité, d’écoute, de disponibilité et de réactivité qui l’ont conduit à être choisi comme directeur des études puis élu comme plus jeune directeur d'une école d'ingénieurs en France: l’ENSA de Toulouse où il lui a fallu se battre pour reconstruire une nouvelle école passant de 50 à 150 élèves et d’une poignée à une centaine d'enseignants pro chercheurs, avec des locaux « adaptés à ses missions et digne de son rang ». Le déménagement sur le site de l’Agropôle d’Auzeville a permis de développer les réseaux, de rechercher des synergies et d’optimiser les moyens en participant à des opérations comme IFR 40, AGROMIP qui regroupe les compétences vétérinaires de neuf établissements d’enseignement et de recherche de Midi Pyrénées. C’est aussi le pôle Agrobiosciences dédié aux sciences du vivant « conçu, identifié, créé et développé » par une équipe composée de Michel Candau, Jean-Claude Flamant, du président de SICOVAL (Technopole de Toulouse Sud-Est) et du maire de Toulouse. C’est ainsi que de nouvelles disciplines, de nouvelles équipes, de nouveaux enseignements ont émergé comme l’informatique, les NTIC, les biotechnologies végétales et la biologie moléculaire, les bio-mathématiques, l’environnement, l’écophysiologie et l’écotoxycologie, la nutrition humaine, la sécurité alimentaire la toxicologie.
Mais pour ce grand travailleur, ne comptant pas ses heures, et cet homme pressé qu’est Michel Candau ce n’était pas suffisant. Aussi, s’est-il impliqué parallèlement dans les instances de l’INPT en tant que vice président du conseil d’administration puis comme vice président du conseil scientifique (17 laboratoires, 900 enseignants-chercheurs) pendant 5 ans. Ce sont ces responsabilités qui l’ont convaincu de « l’importance de la mise en place en Europe et en France du système Licence, Master, Doctorat » et de la nécessaire implication des écoles d’ingénieurs dans ce processus reconnu au plan international.
C’est après une parenthèse sabbatique de 7 ans en Guadeloupe pour savourer une retraite bien méritée que de retour à Paris il est à nouveau sollicité par Raymond Février qui avait assuré pendant 10 ans les fonctions de président du conseil de l'ENSAT, pour postuler à la section productions animales de l’Académie qu’il ne connaissait pas bien. Il va très vite y affirmer la volonté de mieux impliquer les écoles supérieures d’agronomie et les formations universitaires pour tisser des liens avec notre compagnie. Avec plusieurs confrères comme Thivend, Bonnemaire, Girard et Verrier il crée un groupe intersection « relation académie, enseignement supérieur agronomique » avec comme projet l’organisation de manifestations conjointes, la création d’un mensuel électronique, le parrainage académiciens élèves ingénieurs, l’analyse de thèses et leur publication sur le site internet de l’Académie….Toute une série d’initiatives qui a donné un coup de jeune à notre institution que Michel Candau a bien l’intention de mieux faire connaître, mieux valoriser et mieux promouvoir en bon pédagogue qu’il a toujours été.
Un pied en ville, l’autre à la campagne, très marqué par ses origines et le choix de son père passé de l’industrie à l’agriculture, Paul Vialle, tout au long de son parcours professionnel, a cherché à tisser des liens entre les citadins et les ruraux, et cela en choisissant des métiers très diversifiés au sein de l’Etat et qui l’ont toujours passionné.
Après une formation classique et le passage par l’Ecole Polytechnique, intéressé par les barrages qu’il n’a en fait jamais construits, il fait le choix du Génie Rural et devient ingénieur du GREF à la sortie de son service militaire, à la fin des années soixante. Il se spécialise dans les modèles mathématiques en hydraulique au ministère de l’Agriculture et met en place une base de données sur les débits des rivières de France, toujours opérationnelle aujourd’hui. Déjà le souci de voir loin dans ses engagements, car les structures sont fragiles, mais aussi celui de ne pas s’enfermer dans des culs de sac, et de saisir les occasions qui passent.
Changement de décor dans l’Hérault, en tant qu’adjoint au DDA où durant sept années, en pleine crise viticole qu’il a du gérer, il s’investit dans la modernisation des caves viticoles, l’implantation du CIRAD à Montpellier et surtout la construction d’un hôpital parmi les plus grands de l’hexagone. Une forme d’apprentissage du savoir faire afin de mobiliser les moyens financiers de l’Etat pour faire avancer des projets. D’où aussi l’envie de se frotter aux réalités territoriales, à l’époque des Lois Deferre de décentralisation en entrant dans la préfectorale à Poitiers comme secrétaire général pour les affaires régionales et directeur des services de la région Poitou-Charentes. Il y est conduit à s’intéresser à l’implantation d’une unité de recherche « Lait de chèvre » avec la premier contrat régional signé avec l’INRA.
C’est là qu’il fait la connaissance de Jacques POLY, PDG de l’INRA, qui lui propose le poste de directeur général adjoint administratif et financier. Nouveau virage professionnel, car la recherche l’a toujours intéressé et aussi parce qu’il avait le sentiment que l’organisation du système de fonctionnement de la recherche était totalement à repenser. En 1981 l’INRA était en quelque sorte une énorme PME dont il convenait de revoir le fonctionnement. D’où l’opportunité de la moderniser en s’appuyant sur la Loi sur la Recherche de Jean-Pierre Chevènement : création d’un ensemble dédié aux biotechnologies (Jouy 2001) à Jouy en Josas, achat du siège actuel de l’Inra à Paris, mise en place des politiques régionales avec l’accent mis sur les biotechnologies animales et végétales, enjeux majeurs du 21ème siècle (Entre constructions hospitalières et organismes de recherche plus d’1,5 millions de m2 construits avec toujours le souci de mettre le paquet sur les investissements qui le méritent).
Après cinq années à l’Inra et le changement de majorité de 1986, il est directeur adjoint du cabinet de François Guillaume à l’Agriculture. Mais très rapidement il est nommé directeur général de l’Enseignement et de la Recherche. Ce poste l’a beaucoup marqué avec le souci des formations innovantes proposées, offrant en quelque sorte une alternative aux modèles de l’Education Nationale. Avec la Loi Rocard tous les décrets étaient à mettre en place avec pour objectif de les écrire pour au moins une génération. D’où sa fierté de constater que ces textes sont pratiquement toujours opérationnels malgré les alternances politiques que notre pays a connues.
L’enseignement et la recherche deviennent son fil conducteur pendant plusieurs années à la tête de l’AGRO pour en faire une grande école plus ouverte en direction de la recherche et des universités, avec des enseignements très diversifiés porteurs d’avenir, la création de l’Ecole doctorale ABIES, la création d’une formation d’ingénieurs par l’apprentissage et l’affirmation de la place privilégiée de l’école en matière de recherche.
Retour à l’Inra en service commandé en 1996, au moment de la crise de la vache folle, comme directeur général. Confronté à une fronde interne, il ne se démonte pas et avec l’appui du ministre de la Recherche la méthode Vialle se met en marche, avec en six mois le bouclage d’une réforme en profondeur de l’institution encore en place près de vingt ans après. Ce haut fonctionnaire atypique et engagé, partout où il est passé, a toujours eu cette vision de l’efficacité et du long terme, mais toujours avec le souci d’associer éthique et technique…et d’intégrer l’acceptabilité de la recherche fondamentale par la société.
Dans ses multiples responsabilités comme président de l’AFFSA et de l’AFSSET, le projet de l’Université Paris Saclay, la création de GENOPLANTE, la vice-présidence du CGAER avec la fusion des Corps des Ponts et Chaussées et du GREF pour constituer le Corps des ingénieurs des Ponts, des Eaux et des Forêts, car l’époque où l’on pensait séparément l’aménagement des villes et celui des champs est révolue, Paul Vialle a mis toute son énergie et son savoir faire dans la réussite de ces entreprises. Il ne fait aucun doute que ce « grand serviteur de l’Etat » mettra toutes ses connaissances et ses compétences au service du rayonnement l’Académie.
Élue présidente de l’Académie d’Agriculture de France pour l’année 2015, Jeanne Grosclaude est une femme de convictions. Fière de ses origines montagnardes des Hautes Pyrénées, elle se définit comme un esprit libre. Bourreau de travail, après ses études à Bordeaux, elle intègre l’Institut National Agronomique major de sa promotion, à l’entrée comme à la sortie, à l’époque où les jeunes femmes étaient ultra minoritaires rue Claude Bernard. C’est là qu’elle prend goût à la zootechnie sous la houlette de Jacques Delage.
Dès son diplôme en poche en 1963, elle entre à l’INRA comme agent contractuel scientifique. Elle en gravira tous les échelons pour terminer sa carrière comme directeur de recherche de première classe. Elle choisit d’abord la génétique car c’était pour elle « la terre à défricher » dans le laboratoire dirigé alors par Jacques Poly et étudie le polymorphisme génétique des protéines du lait. Mais dès 1968 elle opte pour un parcours atypique, sur le conseil de François Gros, alors à l’Institut de Biologie Physico-Chimique, et rejoint pour deux années sabbatiques l’Institut Suisse de Recherches Expérimentales sur le Cancer à l’hôpital cantonal de Lausanne en Suisse, auprès de Klaus Scherrer qui revenait des Etats-Unis. L’objectif était de se parfaire en génétique moléculaire, alors en plein démarrage, et étudier les ARN messagers dans les cellules animales.
A son retour à l’INRA, elle migre en Virologie, à Thiverval Grignon à la Station de Recherches en Virologie et Immunologie créée par Alain Paraf et dirigée par Jean Asso où elle contribue à identifier la protéine immunogène du virus de la fièvre aphteuse. L’INRA était en effet alors le seul organisme de recherche à associer virologie et immunologie par des approches moléculaires. Après l’interruption des recherches sur la fièvre aphteuse à l’INRA, elle développe la production des anticorps monoclonaux à des fins de diagnostic en agronomie et santé animale Mais avec le regret de constater, comme d’autres chercheurs, le défaut de politique de valorisation de l’INRA, politique qui ne sera mise en place que dans les années 80.
C’est à ce moment qu’elle débute, dans un parti pris d’interdisciplinarité, un cursus original d’aller retour entre science et technologie, par l’introduction d’appareillages basés sur des concepts scientifiques novateurs Cela a conduit à des avancées significatives en « réceptorologie », notamment sur les récepteurs des hormones lactogéniques.
C’est alors qu’est arrivée la crise de « la vache folle » sur laquelle l’INRA avait des antécédents du fait des recherches sur la tremblante du mouton. Cela l’a conduite à s’intéresser aux fameux prions jusqu’à sa retraite, avec des incursions dans d’autres disciplines grâce à l’accès à d’autres laboratoires européens et industriels, tout en déplorant que l’INRA ait concédé l’hégémonie au CEA dans la mise au point des tests de détection du prion.
Mais c’est dans son engagement syndical à la CFDT que Jeanne Grosclaude s’est taillé une image de femme de devoir et de caractère. Elle se définit comme « un enfant de Mai 68 » où bien des barrières sont tombées, y compris à l’INRA, avec la prise de parole des ouvriers, des techniciens et de l’ensemble du personnel. Tout cela a débouché sur des réformes de structure, de représentation et une démocratisation de l’Institut, non sans freiner sa promotion interne dans la grande maison de la rue de l’Université. Cela l’a amenée, pendant 20 ans, à s’intéresser aux systèmes de recherche en France et en Europe, à travailler sur la Charte du chercheur en Europe, et tout particulièrement les derniers temps à aborder les relations entre science et société sur les questions de l’ESB et des OGM. Une expérience qu’elle met aujourd’hui au service de l’Académie d’Agriculture.
Sous le double parrainage de Raymond Février et de Gilbert Jolivet, elle à rejoint notre compagnie où elle a conduit une réflexion sur l’évolution des farines animales en protéines animales transformées, puis comme secrétaire de la section « Production Animale » avant de rejoindre le Bureau en tant que vice-présidente. Un nouveau challenge pour la présidente Jeanne Grosclaude, qui ne manque pas d’énergie et, on le voit, de compétences multiples…et qui a compris qu’à l’Académie d’Agriculture où règne le pluralisme « on travaille hors sol » et qu’il faut s’y mobiliser et s’y investir comme elle l’a toujours fait, avec passion.
La rencontre d’un économiste n’est pas simple, surtout lorsqu’il est à la fois ingénieur agronome et docteur es sciences économiques. Mais, à l’écoute de Jean-Marc Boussard, double médaillé d’or de l’Académie, et qui aime faire référence aux théories de Walras, on découvre un esprit libre, polémiste à ses heures, chercheur et enseignant, fin connaisseur des politiques agricoles…et qui n’est pas un libéral à tout crin, quand on parle des agriculteurs et de la place de l’agriculture dans l’économie de marché.
Entré à l’INRA au début des années 60, à l’issue de son service militaire comme sous-lieutenant en Algérie, peu porté sur les calculs numériques, il fut conduit, dès son entrée à l’INRA à s’intéresser aux possibilités offertes par les nouveaux « cerveaux électroniques » qui commençaient à se vulgariser. A ses yeux, en permettant l’étude rapide d’un grand nombre d’hypothèses, ceux-ci pouvaient devenir en économie l’équivalent du microscope en biologie.
Comme le calcul électronique coûtait cher, il fut amené à prospecter des financeurs comme la Compagnie du Canal de Provence. A cette occasion fut développée un modèle du comportement des agriculteurs qui, tenant compte du risque, permit de vérifier l’hypothèse selon laquelle le véritable obstacle au passage des céréales en sec aux légumes irrigués en Provence à cette époque était moins le prix de l’eau que le crainte de ne pas pouvoir vendre convenablement des produits aux cours très fluctuants. A partir de là, Jean-Marc Boussard, considéré, comme un spécialiste de l’irrigation, est alors appelé pour des missions d’étude et d’expertise dans de nombreux pays, ce qui lui permet de tester son modèle provençal dans des contextes entièrement différents. .
Cependant, le prolongement naturel de ces modèles dits « microéconomiques » (parce que relatif à des exploitations ou à des firmes ) était d’en étudier les implications au niveau national ou mondial, pour trouver une explication plausible aux fluctuations de prix. Après beaucoup d’efforts, cela finit par déboucher sur le modèle ID3 de l’agriculture mondiale qui avait pour but de vérifier la validité dans un monde incertain des prédictions de divers organismes internationaux sur les bénéfices à attendre de la libéralisation des marchés agricoles. Les résultats conduisent à penser que ces bénéfices, très variables, sont moins grands que prévus et peuvent même être négatifs en moyenne. D’où l’idée, encore en chantier, de proposer des solutions alternatives , au moyen de solutions habilement dirigistes telles que des politiques publiques de stockage déstockage.
Plus généralement, Jean-Marc Boussard propose de développer des interfaces entre recherches technique et économique, avec la création de vastes banques de données, qui permettraient de nourrir des modèles pour l’élaboration de politiques agricoles moins incohérentes que celles actuellement mises en œuvre dans de nombreux pays.
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Des idées qu’il va pouvoir promouvoir comme président de l’Académie en 2014, après en avoir été vice-trésorier et aussi comme un des animateurs de l’Union européenne des académies d’agriculture jusqu’à ces derniers mois.
C’est un homme du Nord, originaire de l’Avesmois, petite région de bocage et d’élevage fortement marquée par l’industrie, qui a pris la tête de l’Académie d’Agriculture pour l’année 2013. Né le 26 octobre 1940 à Ferrière la Grande aux portes de Maubeuge, il est resté très attaché à ce village de la Thiérache auquel il a consacré un ouvrage historique. Son rêve d’enfant était d’être fermier comme ses arrières grands parents et d’élever des chevaux. Mais en tant que fils d’enseignants, il a été poussé tout naturellement à passer le concours de l’école normale d’instituteurs. Une orientation professionnelle qui, toutefois, ne le satisfaisait pas. Aussi Christian Lévêque a poursuivi des études de géologie en faculté. Mais faute de débouchés dans cette spécialité, il a vite bifurqué vers l’océanographie, d’abord à Lille puis à Marseille grâce à l’obtention d’une bourse d’études.
Déjà saisi par le virus des voyages et attiré par ailleurs vers la recherche et la spéculation intellectuelle, il est recruté par l’ORSTOM où pendant dix ans il est affecté en Afrique, d’abord au Tchad puis en Côte d’Ivoire. Il a commencé par travailler sur les mollusques africains puis sur les poissons dont il a découvert plusieurs espèces en dressant l’inventaire des rivières de l’Afrique de l’Ouest. C’est ainsi qu’il a choisi le poisson comme modèle de biologique l’amenant à s’intéresser au fonctionnement des écosystèmes. Cela le conduit à faire toute une carrière scientifique rythmée par des opportunités en tant qu’écologue, spécialiste des systèmes aquatiques. C’est ainsi qu’il a participé à un programme financé par l’OMS sur la lutte contre l’onchocercose en Afrique de l’Ouest.
D’où un parcours marqué par des allers retours entre sa carrière à l’ORSTOM et la responsabilité de diverses commissions scientifiques qui lui ont permis de voyager en Afrique, en Asie et en Amérique du Sud. De même que sa participation au programme interdisciplinaire PIREN du CNRS sur une approche systémique du fonctionnement des rivières, programme qui a ensuite jeté les bases de la Loi sur l’Eau de 1992. Délégué à l’environnement de l’ORSTOM, il a mis en place un groupement d’intérêt public inter-organismes sur les « hydrosystèmes » avant d’être chargé par sa maison mère de la stratégie et de la prospective. Il a enfin dirigé au CNRS le programme interdisciplinaire « environnement, vie et société », en tant que Directeur adjoint de l’Institut des Sciences de l’Univers. Auteur de très nombreux ouvrages et publications scientifiques destinés aux spécialistes mais aussi au Grand public, Christian Lévêque a été honoré en 2001 par la médaille Nauman-Thieneman de la Société internationale de Limmologie.
Christian Lévêque porte aujourd’hui un regard sans concessions sur l’écologie. Pour lui la recherche doit être une vocation plus qu’un métier, une aventure intellectuelle. Il regrette la liberté des premiers pas de l’écologie sans la pression des publications, ce véritable carcan autour de l’organisation de la recherche. Actuellement l’écologie est en train de pâtir des systèmes d’évaluation alors que, selon lui, elle reste avant tout une science d’observation, d’intuition et d’imagination. Elle suppose un travail de recherche sur le long terme en s’intéressant aux écosystèmes et en prenant en compte leurs histoires. D’où l’impérieuse obligation quand on parle de développement durable de procéder à des approches systémiques. Autrement dit passer du rêve à la réalité. Au point que, face à Christian Lévêque, on a envie de lui demander : « Dessine moi un poisson ».
Jean-François Colomer a été élu correspondant national de l'Académie en 2001 puis membre titulaire en 2004 au sein de la section IX.
Il a animé le groupe « communication » de notre Compagnie dès sa création.
Son élection à la présidence de l'Académie pour l'année 2012 peut être interprétée comme l'expression d'une volonté affirmée de notre Institution de communiquer vers un public beaucoup plus large que le seul milieu scientifique.
En effet c'est la première fois qu'un journaliste, au sens actuel du terme, est appelé à exercer cette responsabilité.
Au delà de la personnalité de Jean-François Colomer, ce choix peut s'expliquer par la prise de conscience du milieu agricole en général de la nécessité de communiquer avec le reste de la société. Les grands enjeux de l'agriculture au niveau mondial, les innovations technologiques, l'évolution des techniques de production qui souvent sont montrées du doigt, doivent faire l'objet d'une large pédagogie afin d''être acceptées par l'opinion publique.
Les hasards de la vie, les goûts et les expériences professionnelles très variées de Jean-François Colomer le destinaient, pourrait-on dire, à cette mission d'ouverture.
Il se définit lui-même comme un « grand voyageur » qui a parcouru le monde (tous les continents sauf l'Australie), curieux de faire des découvertes, d'aller vers les autres afin de découvrir les gens dans leur diversité et désireux de créer des espaces de dialogue.
Né le 6 octobre 1939, sa première jeunesse jusqu'à l'âge de 12 ans, passée en Indochine où il vécut une période mouvementée lors de l'invasion japonaise, a sans doute été une période favorable pour développer son envie de découvrir, de comprendre, de comparer, et de resituer tout ce qu'il voyait dans un contexte plus large.
Après des études secondaires en France au lycée Lakanal à Sceaux puis au Lycée Henri IV à Paris, il a intégré l'ESITPA où son mémoire de fin d’études a porté sur les relations « sol-plante-animal », après un an passé au Centre de recherche sur les engrais de Péchiney Saint-Gobain à Antony.
Il est également diplômé en Économie rurale du Conservatoire National des Arts et Métiers, et a été auditeur du séminaire d’ethnologie sociale de Chombart de Lauwe à l’Institut des Hautes Études.
Après son service militaire dont il est sorti lieutenant honoraire de l'infanterie de Marine, sa vie professionnelle a commencé en 1964 et a été riche en expériences : chargé d’études au Centre d’études pour le Ruralisme et l’aménagement des campagnes (CERAC), il fut ensuite ingénieur d’études (commercialisation des produits végétaux), puis chef du service économique, et chef de la division études et méthodes de la FNCETA. C'est dans cette structure qu'il a participé à l’ensemble des publications (Special Ceta, Techni Ceta et Entreprise Agricole) et pris le « virus » journalistique.
De 1969 à 1973 il a fait ses premières armes comme pigiste au Figaro Agricole, puis :
- il devient reporter puis rédacteur en chef du Figaro Agricole (mensuel) puis de l’Agricole (hebdo),
- il est nommé chef de rubrique au service « Économie-Finance-Bourse » du Figaro et parallèlement membre du bureau de la Société des Rédacteurs du même journal,
- il devient rédacteur en chef de la revue Le Producteur Agricole Français (édité par l’AGPB),
- enfin, il est nommé rédacteur en chef adjoint puis rédacteur en chef de La France Agricole, puis directeur des rédactions du Groupe France Agricole et conseiller du PDG.
Parallèlement à sa carrière de journaliste il a exercé de nombreuses responsabilités associatives dans les secteurs de l'agriculture et de la communication où il a pu satisfaire son goût pour la prospective ainsi que ses aptitudes à mener une réflexion stratégique et la mettre en œuvre :
- président du Comité d’orientation de la Société des Agriculteurs de France, après en avoir été élu président,
- membre de la Commission de terminologie et de néologie auprès du ministère de l’Agriculture, de l’Alimentation, de la Pêche et des Affaires Rurales,
- administrateur du Saint Hubert Club de France,
- administrateur et ancien vice-président de la SITMAFGR (acteurs du machinisme agricole et génie rural),
- membre du conseil d'administration du SYRPA qui regroupe les professionnels de communication en agriculture, et à ce titre il a animé de nombreux colloques, tables rondes et débats et a assuré la présidence du jury des « Victoires des agriculteurs »,
- membre des jurys du Grand prix de gestion des agriculteurs des Banques populaires et du Concours des lycées agricoles organisé par le Conseil supérieur du notariat,
- membre du comité de rédaction du Club DEMETER.
Il fut également dans le secteur de la presse :
- président de l’Association française des journalistes agricoles (AFJA),
- président d’EUROFARM (Club réunissant les principaux journaux agricoles de 17 pays européens).
En matière de pratique agricole, il a participé de 1980 à 1994 à une société civile d'exploitation de 280 hectares en Seine et Marne (grandes cultures), dirigée par son épouse.
Jean-François Colomer a publié de nombreux articles et éditoriaux ainsi qu’un livre avec René Groussard aux Éditions France Agricole « Vive l’Agriculture, le politique, les hommes, le vivant ».
Passionné de chasse, par goût de la nature et des rapports humains, il a présidé une société de chasse pendant 42 ans.
Il est chevalier de la Légion d'Honneur et officier du Mérite Agricole.
Issu d’une généalogie de meuniers, de pâtissiers, de vignerons et de petits agriculteurs, Jean-François Morot-Gaudry a fait toutes ses études comme « boursier de la République ». D’abord orienté vers les Lettres classiques et la Philosophie, deux ans après son baccalauréat, il change de cap à l’Université de Dijon pour se consacrer aux études de biochimie et de biologie cellulaire.
Il effectue son service militaire tout d’abord à Nîmes dans l’artillerie antiaérienne et quelques mois après il est appelé à Cherbourg comme « chimiste » pour étudier les éventuelles variations de la radioactivité (spectrométrie γ) dans l’environnement suite au lancement du premier sous-marin nucléaire « Le Redoutable ». Parallèlement il achève sa maîtrise de biologie végétale.
Après un DEA à l’Université d’Orsay-Paris-XI et une thèse d’Etat sous la direction du professeur Moyse dans la même université, il entre à l’INRA de Versailles en 1970, d’abord comme stagiaire de recherche CNRS puis chargé de recherche INRA à partir de 1975 (Laboratoire E Jolivet et Y Coïc). Durant son travail de thèse sur la photosynthèse et la génétique du maïs, il croise Guy Paillotin, alors Chef de service au CEA de Saclay. Puis c’est la parenthèse australienne où il part 7 mois, à Canberra, dans l’un des meilleurs laboratoires mondiaux sur la photosynthèse et le métabolisme azoté.
De retour à l’INRA, il sera un des piliers du laboratoire du laboratoire Métabolisme et Nutrition des Plantes qu’il animera et gérera pendant plus de quinze ans, y favorisant en collaboration avec nombreux chercheurs étrangers (américains, australiens, anglais, allemands, japonais, etc.) des recherches intégrées de physiologie, biochimie, biologie moléculaire et génétique sur les plantes d’intérêt agronomique. Ces recherches sur la photosynthèse et l’assimilation de l’azote ont fait l’objet de publications dans les meilleures revues scientifiques internationales. JF Morot-Gaudry, tout en menant ces recherches fondamentales, est toujours resté soucieux de dialoguer avec la profession : les viticulteurs champenois sur le métabolisme azoté, les endiviers sur la physiologie de la chicorée, la société Goémar sur l’usage des algues en agriculture, sans oublier les améliorateurs des plantes et l’AGPM sur le maïs.
Jean-François Morot-Gaudry s’est aussi beaucoup impliqué à l’INRA dans les tâches administratives comme Chef de service (16 ans), Chef de département adjoint (12 ans) et a participé très activement à la gestion du personnel (recrutement, gestion des carrières et des personnes handicapées). Il reprend contact avec la science fondamentale dans les années 90 par l’écriture d’ouvrages de synthèse (huit ouvrages, trois en anglais dont un qui a fait une page d’excellents commentaires dans la célèbre revue Nature et qui a été traduit ensuite en chinois), de nombreux rapports d’évaluation (INRA, Université, CEA, ANVAR, Ministères, etc.). Jean-François Morot-Gaudry a enseigné à différentes périodes de sa vie, et a mis sur pieds, avec quelques collègues INRA, la maîtrise de biologie à l’Université de Versailles-St-Quentin. Il a publié également deux livres de Biologie végétale (Dunod) à l’usage des étudiants des grandes Écoles de Biologie et des Universités françaises. Il termine sa carrière à l’INRA comme Directeur de recherche de classe exceptionnelle.
Entré à l’Académie d’agriculture en 1997, il a découvert de nouveaux horizons, en particulier économiques et sociétaux. Il y a animé nombreuses séances, souvent de concert avec l’Académie des Sciences. Membre en 2001, secrétaire de la Section Biologie de 2002 à 2009, il en devient vice secrétaire de 200(à 2009 puis vice président en 2010 et président cette année 2011, année du 250ème anniversaire de cette Compagnie.
Jean-François Morot-Gaudry est Officier du Mérite agricole.
Homme de foi, de science et de culture, Bernard Saugier a suivi un parcours atypique à l’Université et dans la Recherche, passant des sciences physiques à l’écologie. Dans son Jura natal, imprégné par l’image de Pasteur, il découvre la physique nucléaire et la conquête de l’espace avec le Professeur Tournesol dans « Objectif Lune » de Hergé, et avec Albert Ducrocq, alors chroniqueur à Europe I. Il rêve de devenir chercheur. Ancien élève de l’Ecole Normale Supérieure, agrégé de physique, il effectue un recentrage sur la biologie, conseillé par ses anciens Pierre Joliot, René Heller et Maxime Lamotte. Il atterrit au CNRS à Montpellier pour étudier les échanges d’énergie et de matière entre la végétation et l’atmosphère sur tournesol puis sur luzerne. Il part ensuite 3 ans à Saskatoon au Canada pour participer à un projet sur la prairie dans le cadre du Programme Biologique International qui a mobilisé plusieurs centaines de chercheurs de divers pays pour étudier la production de biomasse des différents biomes terrestres et les processus associés.
Abandonnant à regret le Canada ainsi que le soleil de Montpellier, il est nommé en 1978 professeur d’écologie végétale à la suite de Gorges Lemée à l’Université Paris-Sud à Orsay. Il enseigne et avec son équipe commence à travailler sur la forêt d’abord sur la production de biomasse de taillis de châtaigniers et de peupliers (à la suite des chocs pétroliers), puis sur l’effet d’une augmentation du CO2 atmosphérique, et sur des modèles de production végétale, de l’écosystème à la biosphère. Il participe au programme Environnement du CNRS et anime le comité écosystèmes et changements globaux pendant plusieurs années. Avec son équipe il est associé à plusieurs programmes européens concernant la biomasse et les changements globaux et plus récemment à la culture avec jachère longue sur les hautes terres andines. Ils ont aussi participé au programme BOREAS de la NASA sur la forêt boréale canadienne, associant des mesures au sol, par avion et par satellite.
En marchant avec son épouse sur les chemins de Saint Jacques de Compostelle, Bernard Saugier qui est aussi coureur à pied, musicien et chanteur dans une chorale à Limours, président d’une association « Foi et culture scientifique », n’est pas loin de penser que l’écologie est une science contemplative. Cela n’exclut pas la nécessité du débat sur les retombées de notre société industrielle et de consommation. Ainsi à propos de l’avenir du plateau de Saclay il souhaite voir émerger un projet commun entre les agriculteurs et les citadins au sein de l’association « Terre et Cité ». Pour lui, le rôle des membres de notre Académie est d’être des « veilleurs ». Il nous faut à la fois rationaliser, éclairer et faire réfléchir sur les enjeux du XXIème siècle, en particulier le rôle et l’évolution de l’agriculture sur le long terme. B. Saugier a conclu son discours de réception le 6 janvier 2010 en invitant l’Académie d’Agriculture de France à poursuivre et développer le dialogue avec la société civile, les institutions et les médias afin de repenser nos valeurs fondamentales, modérer notre consommation matérielle en privilégiant les relations humaines et… apprendre à bien vieillir.
« L'Académie doit contribuer au développement de la société » Guy Paillotin, Secrétaire perpétuel de l'AAF, ancien Président de l'INRA et du Conseil d’administration de l’INA/PG est également l'auteur du rapport sur l'agriculture raisonnée à la demande du Ministre de l'Agriculture. Il exerce par ailleurs de nombreuses responsabilités notamment au Comité d'éthique et de précaution de l'Inra et comme Président du conseil d'administration de l'AFSSET. Question: Où en est-on de la réflexion de l'Académie sur "Agriculture et développement durable"? Réponse: Notre Académie doit intervenir sur les grands sujets de société. l'un d'entre eux est la durabilité du développement. L'agriculture est directement concernée par les négociations commerciales internationales, les OGM, la grippe aviaire, la vache folle et toutes les interrogations quotidiennes de la population, mais curieusement, elle n'arrive pas à être au centre des débats de société. L'AAF doit pouvoir dire le vrai sur toutes ces problématiques, ce que nous essayons de faire. En matière de développement durable, nous avons d'abord essayé de comprendre de quoi il s'agissait et j'estime que nous ne sommes pas en retard sur cette réflexion afin d'aider à y voir clair dans ses trois dimensions, économique, environnementale et sociétale; Il nous reste à réaliser une synthèse qui permette à d'autres acteurs de la société et au monde politique de réfléchir, voire de se l'approprier. le processus a été lancé avec la participation des dix sections et un texte va être formalisé d'ici à la fin de 2006. le grand avantage de notre Académie, c'est que nous pouvons aborder le développement durable sous tous les angles et qu'il n'y a guère d' autres endroits où l'on peut balayer aussi large de la biodiversité jusqu'à la biomasse, en passant par le souci d’équité face à la pauvreté. Q: Pourquoi avoir choisi de consacrer une partie des travaux en 2006/2007 sur le thème "Aliment" ? R: La vraie question est comment nous pouvons être utile à la société, l'éclairer sans être péremptoire et doctrinaire, donner la possibilité à l'individu de rêver et de se prendre en charge. la recherche, par essence, n'est pas triste. Il nous faut sortir des psychoses alimentaires autour de la vache folle, des pollutions diverses et autres maladies. Ce qui préoccupe l'homme de la rue, ce qui le touche directement, c'est l'alimentation et la santé. c'est le point central de la vie de tous les jours des consommateurs et de citoyens. Nous nous devons d'investir cet univers en disant des choses vraies, de manière simple, conviviale et intelligible. La société mesure en effet l'efficacité et la pertinence de l'agriculture dans ce qu'elle apporte quotidiennement dans l'assiette. c'est en partant de l'assiette et de la nourriture que l'on arrivera à convaincre le consommateur de s'intéresser de nouveau à l'agriculture et aux sciences du vivant. Sous forme de boutade, peut être faudrait-il modifier la signature de l'AAF en inversant les mots clé en "Alimentation, Environnement, Agriculture". Q: Quelle est votre ambition pour l'Académie? R: Tous les jours sur les radios, les télévisions, dans les journaux la majorité des informations tournent autour des questions d'environnement, d'alimentation et d'agriculture, le tout dans une confusion extrême, avec un manque total de vision à moyen terme. A l'Académie, nous avons beaucoup de personnes de bon sens, désintéressées, qui connaissent plein de choses. Nous devons mobiliser nos connaissances et notre intelligence pour aider au développement de la société et nous inscrire dans une société de communication. Cela n'exclut pas d'aborder des sujets plus fondamentaux tenant à l'agronomie ou à l'écologie, en relation avec d'autres Académies afin de stimuler la réflexion de nos membres et permettre aux chercheurs de dire ce qu'ils pensent.
Élu Président de l'Académie pour l'année 2007, Jacques Risse est membre de la Section 8 (Filières alimentaires), Maire d'une commune rurale de Corrèze, Vice Président du conseil d'administration de l'Ecole Nationale Vétérinaire de Maisons-Alfort et Officier de la Légion d'Honneur.
Qu'avez vous fait avant d'être élu Président de l'Académie d'Agriculture ?
J'ai une formation de vétérinaire avec une spécialisation en élevage et alimentation animale que j'ai complétée par des études commerciales. Ma carrière professionnelle a débuté comme vétérinaire libéral pendant 5 années en Corrèze. Mais j'ai opté ensuite pour l'industrie, principalement dans les abattoirs et l'alimentation du bétail. J'ai également présidé de nombreuses structures professionnelles et interprofessionnelles en France et à l'échelon européen dans le secteur avicole. J'ai également fait partie du comité d'experts sur la réforme du droit alimentaire, du conseil supérieur de la spécialisation vétérinaire et du comité national des IGP. Jean-Pierre Soisson, ministre de l'Agriculture, m'a demandé de rejoindre son cabinet comme conseiller technique pour suivre les productions animales, la Corse et le PMU. Enfin j'ai écrit de nombreux ouvrages depuis un traité d'alimentation animale jusqu'aux "professions médicales en politique" en passant par une "histoire de l'élevage français", "les animaux ont la parole" et une biographie du "petit père Combes".
Comment est, selon vous perçue l'Académie et quel doit être son rôle ?
J'ai rencontré des gens de tous les horizons et je constate que l'Académie d'Agriculture est inconnue, voire méconnue, y compris dans nos milieux proches. Ceux qui ont entendu parler de notre compagnie ne savent pas très bien ce qui s'y passe et me demandent de mieux la valoriser. Notre Académie doit, soit qu'on le lui demande, soit qu'elle s'autosaisisse, prendre en compte tous les problèmes qui se posent à l'agriculture et au monde rural. Elle doit faire connaître ses avis, et cela dans un délai raisonnable. Nous ne devons pas hésiter à donner notre opinion et à formuler des recommandations sur toutes les questions importantes qui touchent à l'agriculture, l'alimentation et l'environnement. C'est la meilleure manière de mieux nous faire connaître et reconnaître. Je vais m'y employer, avec le Secrétaire Perpétuel, tout au long de cette année.
Quels sont les grands sujets que doit aborder l'Académie et sur lesquels doit-elle se positionner ?
Les sujets sont très ouverts: la question des OGM, la mondialisation, le réchauffement climatique, les riques alimentaires... Nous sommes tout à la fois confrontés à l'expression d'une "contestabilité" et d'une "acceptabilité" sociales. Aujourd'hui on ne présente pas les avancées scientifiques et technologiques de manière à ce quelles puissent être reconnues et adoptées par l'opinion publique. Sur les OGM, on n'a pas été assez transparent, on les a mal expliqués. Notre Académie aurait du se prononcer de manière claire et nette. Nous aurions pu alors nous positionner comme des précurseurs et montrer ainsi la voie aux différents interlocuteurs de la production, de la transformation, de la distribution et de la consommation.