C’est un homme du Nord, originaire de l’Avesmois, petite région de bocage et d’élevage fortement marquée par l’industrie, qui a pris la tête de l’Académie d’Agriculture pour l’année 2013. Né le 26 octobre 1940 à Ferrière la Grande aux portes de Maubeuge, il est resté très attaché à ce village de la Thiérache auquel il a consacré un ouvrage historique. Son rêve d’enfant était d’être fermier comme ses arrières grands parents et d’élever des chevaux. Mais en tant que fils d’enseignants, il a été poussé tout naturellement à passer le concours de l’école normale d’instituteurs. Une orientation professionnelle qui, toutefois, ne le satisfaisait pas. Aussi Christian Lévêque a poursuivi des études de géologie en faculté. Mais faute de débouchés dans cette spécialité, il a vite bifurqué vers l’océanographie, d’abord à Lille puis à Marseille grâce à l’obtention d’une bourse d’études.
Déjà saisi par le virus des voyages et attiré par ailleurs vers la recherche et la spéculation intellectuelle, il est recruté par l’ORSTOM où pendant dix ans il est affecté en Afrique, d’abord au Tchad puis en Côte d’Ivoire. Il a commencé par travailler sur les mollusques africains puis sur les poissons dont il a découvert plusieurs espèces en dressant l’inventaire des rivières de l’Afrique de l’Ouest. C’est ainsi qu’il a choisi le poisson comme modèle de biologique l’amenant à s’intéresser au fonctionnement des écosystèmes. Cela le conduit à faire toute une carrière scientifique rythmée par des opportunités en tant qu’écologue, spécialiste des systèmes aquatiques. C’est ainsi qu’il a participé à un programme financé par l’OMS sur la lutte contre l’onchocercose en Afrique de l’Ouest.
D’où un parcours marqué par des allers retours entre sa carrière à l’ORSTOM et la responsabilité de diverses commissions scientifiques qui lui ont permis de voyager en Afrique, en Asie et en Amérique du Sud. De même que sa participation au programme interdisciplinaire PIREN du CNRS sur une approche systémique du fonctionnement des rivières, programme qui a ensuite jeté les bases de la Loi sur l’Eau de 1992. Délégué à l’environnement de l’ORSTOM, il a mis en place un groupement d’intérêt public inter-organismes sur les « hydrosystèmes » avant d’être chargé par sa maison mère de la stratégie et de la prospective. Il a enfin dirigé au CNRS le programme interdisciplinaire « environnement, vie et société », en tant que Directeur adjoint de l’Institut des Sciences de l’Univers. Auteur de très nombreux ouvrages et publications scientifiques destinés aux spécialistes mais aussi au Grand public, Christian Lévêque a été honoré en 2001 par la médaille Nauman-Thieneman de la Société internationale de Limmologie.
Christian Lévêque porte aujourd’hui un regard sans concessions sur l’écologie. Pour lui la recherche doit être une vocation plus qu’un métier, une aventure intellectuelle. Il regrette la liberté des premiers pas de l’écologie sans la pression des publications, ce véritable carcan autour de l’organisation de la recherche. Actuellement l’écologie est en train de pâtir des systèmes d’évaluation alors que, selon lui, elle reste avant tout une science d’observation, d’intuition et d’imagination. Elle suppose un travail de recherche sur le long terme en s’intéressant aux écosystèmes et en prenant en compte leurs histoires. D’où l’impérieuse obligation quand on parle de développement durable de procéder à des approches systémiques. Autrement dit passer du rêve à la réalité. Au point que, face à Christian Lévêque, on a envie de lui demander : « Dessine moi un poisson ».
Christian LÉVÊQUE, Président de l'Académie d'Agriculture pour l'année 2013
Christian LÉVÊQUE, écologue voyageur
Auteur:
Jean-François Colomer