La « viande cellulaire » : Est-ce possible ? Est-ce bon ? Est-ce acceptable ?
Le colloque du 18 novembre par l’Académie d’agriculture et l’Association française de zootechnie en partenariat avec l’Académie vétérinaire et la Société française de nutrition s’est efforcé de répondre à ces questions.
Des questions essentielles
Alors que les enjeux concernant l’agriculture, l’alimentation et l’environnement font consensus avec la nécessité d’être innovant, la culture cellulaire est promue par une centaine de start-up dans le monde pour produire ce qu’elles dénomment « viande de culture ». Ce sujet controversé soulève des questions essentielles. La culture de cellules musculaires est certes possible mais d’immenses verrous techniques et économiques restent à lever pour passer à une production à grande échelle et pour acquérir des informations précises à partager, notamment sur la composition des milieux de culture et celle des produits ainsi que sur l’efficacité de production. Le coût va continuer à baisser mais on est encore loin d’une production significative et maîtrisée. Lors de ce colloque, plusieurs interventions se sont attachées à démontrer que ces produits ne pouvaient prétendre à la dénomination « viande » tant du point de vue biologique que sémantique et légal. Au regard de la réglementation communautaire, ils sont considérés comme des « nouveaux aliments » soumis à une demande d’autorisation particulièrement exigeante auprès de la Commission.
Ces produits peuvent-ils être bons pour l’Homme, la planète et les animaux ?
Peu de travaux en libre accès sur leur qualité sanitaire, nutritionnelle et sensorielle sont disponibles. Des faiblesses potentielles (par exemple, manque de fer et de nutriments essentiels spécifiques à la viande, biodisponibilité de ces nutriments) et des inquiétudes (risque sur la santé lié aux hormones, aux facteurs de croissance et à la maîtrise des agents pathogènes, etc.) ont été soulignées malgré de nombreux effets d’annonce rassurants. De plus, d’autres solutions sont proposées pour nourrir l’humanité (comme réduire le gaspillage alimentaire, adapter nos pratiques agricoles et nos habitudes alimentaires). De même, l’avantage environnemental par rapport à l’élevage, souvent mis en avant par les start-up, n’est pas réellement démontré. Les citoyens sont certes de plus en plus sensibles au bien-être animal mais cette question est souvent abordée de façon sommaire. Si des connivences existent entre des acteurs de la « viande cellulaire » et des mouvements animalistes et abolitionnistes pour réduire l’abattage des animaux, ce n’est pas non plus toujours le cas. Ces nouveaux produits seront probablement acceptables pour les personnes qui souhaitent manger de la viande mais qui sont sensibles aux controverses liées à l’élevage.
Est-ce un aliment durable ?
Alors que les enquêtes d’acceptabilité sont peu robustes puisque le produit est encore en développement, il est toutefois observé un faible consentement à payer par rapport aux produits concurrents. Les consommateurs sont souvent prêts à goûter par curiosité mais moins enclins à en consommer régulièrement. Ces produits seront vraisemblablement plus en concurrence avec les autres alternatives aux protéines animales qu’avec la viande. Aujourd’hui, la preuve n’a pas été apportée que la « viande de culture » puisse répondre à la définition d’un aliment durable (qui doit être bon pour l’homme et la planète, économiquement viable et accepté socialement) mais ce débat a le mérite de questionner notre relation à l’alimentation dans toutes ses dimensions y compris culturelle et symbolique.
Jean-François Hocquette, président de l’Association française de zootechnie et Claude Allo, membre de l'Académie d’agriculture de France, secrétaire de la section « Productions animales »
Photo : Jacques Brulhet
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“Cellular meat”: Is it possible? Is it good? Is it acceptable?
The symposium organised on 18 November by the French Academy of Agriculture and the French Association for Animal Production in partnership with the Veterinary Academy and the French Nutrition Society sought to answer these questions.
A controversial subject
While there is a consensus on the issues concerning agriculture, food and the environment and the need to be innovative, cell culture is being promoted by a hundred or so start-up around the world to produce what they call “cultured meat”. This controversial subject raises essential questions. The culture of muscle cells is certainly possible, but huge technical and economic hurdles remain to be overcome in order to move to large-scale production and to acquire precise information to be shared, particularly on the composition of culture media and products, as well as on production efficiency. The cost will continue to fall but we are still far from significant and controlled production. During this conference, several speakers attempted to demonstrate that these products could not claim to be called “meat” from an organic, semantic and legal point of view. In terms of Community regulations, they are considered to be "novel foods" subject to a particularly demanding application for authorisation from the Commission.
Can these products be good for humans, the planet and animals?
Little open access research on their health, nutritional and sensory quality is available. Potential weaknesses (e.g. lack of iron and essential nutrients specific to meat, bioavailability of these nutrients) and concerns (health risks related to hormones, growth promoters and pathogen control, etc.) have been highlighted despite many reassuring claims. Moreover, other solutions are proposed to feed humanity (such as reducing food waste, adapting our agricultural practices and eating habits). Similarly, the environmental advantage over livestock farming, often put forward by start-up, has not really been demonstrated. Citizens are certainly more and more sensitive to animal welfare, but this issue is often addressed in a cursory manner. If collusion exists between "cellular meat" actors and animalist and abolitionist movements to reduce the slaughter of animals, this is not always the case either. These new products are likely to be acceptable to people who want to eat meat but are sensitive to the controversies surrounding animal farming.
Is it sustainable food?
While acceptability surveys are not very robust as the product is still in development, there is a low willingness to pay compared to competing products. Consumers are often willing to try it out of curiosity but less likely to consume it regularly. These products are more likely to compete with other animal protein alternatives than with meat. Today, it has not been proven that "cultured meat" can meet the definition of a sustainable food (which must be good for humans and the planet, economically viable and socially accepted), but this debate has the merit of questioning our relationship with food in all its dimensions, including cultural and symbolic.
Jean-François Hocquette, President of the French Association for Animal Production and Claude Allo, Member of French Academy of Agriculture, Secretary of the "Animal production" section
Picture : Jacques Brulhet
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