La transition agroécologique peut-elle nourrir la France et le Monde ?
Les premières conceptions de l’agroécologie ont été énoncées par des chercheurs agronomes au début du XXe siècle, puis oubliées après la Seconde Guerre mondiale avec la modernisation des agricultures. Le projet agroécologique pour la France présenté en 2012 par Stéphane Le Foll se voulait mobilisateur pour l’agriculture française, engageant notre agriculture dans une transition vers des systèmes de production performants sur les plans économique, environnemental et social.
Ce débat est aujourd’hui relancé avec la stratégie « Farm to Fork » de l’Union européenne et les déséquilibres sur les marchés résultant du conflit en Ukraine. La vision productiviste, portée par plusieurs gouvernements européens, dont la France, et par l’agrochimie, s’appuie sur un récit visant à « nourrir le monde ». Elle avance une urgence à relancer la production par tous les moyens, fût-ce au détriment de la biodiversité, pour ne pas affamer les pays du Sud dépendants des importations de céréales.
La vision écologique, portée par un nombre croissant d‘acteurs de la recherche, de la société civile et de l’industrie, avance « qu’on ne nourrira pas le monde avec une nature dégradée ». Elle propose de changer de paradigme des modes de production, de consommation et d’échanges commerciaux, au nord comme au sud.
La séance académique qui a eu lieu le 11 mai dernier visait à explorer les acquis scientifiques de cette seconde vision et les trajectoires qu’elle implique. Les différentes interventions y ont démontré la profondeur et la rigueur de ses analyses scientifiques sur des points essentiels du système agroalimentaire :
• En termes économiques, l’agroécologie offre des perspectives d’amélioration par des économies d’intrants pour les agriculteurs, pour autant qu’elle s’accompagne d’une évolution des modes de consommation alimentaire ;
• L’agroécologie est porteuse de sécurité et de résilience :
- pour l’Europe en réduisant sa dépendance vis-à-vis des autres continents, notamment de produits énergivores tels que les nitrates ;
- pour le reste du monde, car une réduction des importations européennes relâcherait les tensions pesant sur les marchés mondiaux, au bénéfice notamment des pays les plus pauvres.
• La diversité des assolements est aussi un facteur de résilience face à des aléas environnementaux et sociaux qui seront sans doute d’importance croissante.
Les trajectoires à adopter pour assurer cette transition écologique restent cependant sujet à controverses, en particulier parce que les politiques publiques à mettre en place sont loin d’être évidentes, qu’elles sont souvent riches en effets pervers.
Alain Vidal, membre de l’Académie d’agriculture de France
> Revoir la séance "La transition agroécologique peut-elle nourrir la France et le monde ?"
PPT (A Vidal) : Introduction de la séance sur la transition agroécologique
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Can the agroecological transition feed France and the world?
The first concepts of agroecology were formulated by agronomic researchers at the beginning of the 20th century, then forgotten after the Second World War with the modernisation of agriculture. The agroecological project for France presented in 2012 by Stéphane Le Foll was intended to mobilise French agriculture, committing our agriculture to a transition towards economically, environmentally and socially efficient production systems.
This debate has now been revived by the European Union's "Farm to Fork" strategy and the market imbalances resulting from the conflict in Ukraine. The productivist vision, supported by several European governments, including France, and by the agrochemical industry, is based on a narrative aimed at "feeding the world". It argues that it is urgent to boost production by all means, even at the expense of biodiversity, so as not to starve the countries of the South that are dependent on cereal imports.
The ecological vision, supported by a growing number of actors from research, civil society and industry, argues that "we will not feed the world with a degraded nature". It proposes a paradigm shift in production, consumption and trade patterns, both in the North and the South.
The academic session that took place on 11 May aimed to explore the scientific findings of this second vision and the trajectories it implies. The various presentations demonstrated the depth and rigour of its scientific analyses on key points of the agrifood system:
• In economic terms, agroecology offers prospects for improvement through input savings for farmers, provided that it is accompanied by changes in food consumption patterns;
• Agroecology brings security and resilience:
- for Europe, by reducing its dependence on other continents, especially for energy-intensive products such as nitrates;
- for the rest of the world, because a reduction in European imports would ease the pressure on world markets, particularly for the benefit of the poorest countries.
• Crop diversity is also a factor of resilience in the face of environmental and social hazards that will undoubtedly be of increasing importance.
However, the paths to be adopted to ensure this ecological transition remain controversial, in particular because the public policies to be implemented are far from obvious and are often rich in perverse effects.
Alain Vidal, member of the French Academy of Agriculture
> Replay the session : Can the agroecological transition feed France and the world?