Roger ULRICH
(1906 – 2004)
Élu membre titulaire de la Sixième section Sciences de la vie le 3 août 1957 et président de l’Académie d’Agriculture en 1982, Roger Ulrich est décédé le 20 mai de cette année à 98 ans.
Il était agrégé, docteur es Sciences, professeur à l’Université Pierre et Marie Curie. Il fut également directeur de l’École Nationale Supérieure de Saint-Cloud. Il a été surtout connu comme directeur du laboratoire CNRS de Meudon pour ses travaux sur la physiologie végétale après récolte, mais également comme président du Conseil scientifique de l’INRA.
Ses travaux portèrent sur la cicatrisation végétale, notamment les fruits, les métabolismes lors des traumatismes, la physiologie des végétaux après récoltes, céréales, fruits, légumes et fleurs, les effets du froid, la congélation, les atmosphères, en tout près de 300 publications. C’était une autorité incontestable dans son domaine et au-delà.
Il était Membre étranger de l’Académie des Sciences de Pologne, Officier de la Légion d’Honneur, Commandeur des Palmes académiques et Commandeur du Mérite agricole.
HOMMAGE A RENÉ ULRICH
par René Heller
Notre Académie se devait de rendre un hommage particulier à la mémoire de notre Confrère Roger Ulrich, décédé en mai dernier, à 98 ans, qui en fut Membre pendant 47 ans et la présida en 1982. Que cet hommage lui soit rendu à l'occasion d'une séance consacrée au froid est d'autant plus justifié qu'il s'adresse à l'ancien Directeur du Laboratoire de Biologie végétale du froid à Bellevue-Meudon.
Roger Ulrich termina sa carrière comme titulaire de la Chaire de Physiologie végétale appliquée, créée pour lui à la Faculté des Sciences de Paris en 1962. C'était l'aboutissement d'une vie dominée par le goût de l'enseignement et de la recherche, par l'amour de la nature (il était un excellent botaniste) et par le désir d'être utile, d'où son intérêt pour l'agronomie.
A sa sortie de l'École Normale Supérieure de Saint-Cloud, en 1926, il poussa jusqu'à l'Agrégation et au Doctorat. Lorsque plus tard, en 1958, il prit la direction de l'École, c'est dans ce sens qu'il en infléchit la vocation. Alors qu'elle était essentiellement destinée à former des maîtres du primaire, il y créa un centre de préparation à l'Agrégation et favorisa l'accès de ses anciens élèves à la Recherche et à l'Enseignement supérieur.
Lui-même, après dix ans passés comme professeur de lycée (1930-1940), entra dans l'Université comme Professeur à Caen, puis à Paris (1953) où il prit sa retraite en 1975.
Tout ceux qui ont eu la chance de suivre ses cours ou d'être ses collègues, savent quelles étaient la rigueur et la clarté de ses exposés, comme l'étaient son équité et sa compréhension dans ses rapports avec les étudiants. Mais ils appréciaient aussi son dévouement pour les nombreuses charges administratives qui lui étaient confiées, où ses interventions étaient toujours marquées d'une intransigeante honnêteté intellectuelle.
Venons-en à ses travaux de recherche. Alors qu'il était professeur au lycée de Neuilly, il décida de préparer une thèse sur un sujet qui puisse déboucher sur des applications immédiates. Il s'adressa au Professeur Marin Molliard, de la Faculté des Sciences de Paris, lui-même convaincu de l'intérêt des liens entre recherche fondamentale et agronomie (il fut ultérieurement membre de notre Académie). D'où en 1936 une thèse, qui fit sen¬sation, sur les "réactions des fruits aux blessures expérimentales", sujet qu'il traita sous ses aspects cicatri¬ciels et métaboliques.
Ce fut le point de départ de toute son orientation scientifique. Des blessures expérimentales il passa tout naturelle¬ment, avec ses élèves, aux conditions naturelles ou artificielles susceptibles d'affecter les fruits après leur récolte. Puis, deuxième extension, il porta son attention aux fleurs coupées, aux légumes, à diverses semences.
Qui dit facteur de conservation dit évidemment froid. En 1942 le Professeur Raoul Combes, successeur de Marin Molliard, (comme lui membre de notre Académie), qui avait entrepris des recherches sur l'effet du froid sur la conservation des fruits, y associa Roger Ulrich. Or il existait depuis 1933 à Bellevue une Station expérimentale du froid à vocation industrielle. Le CNRS décida d'y créer un Laboratoire de Biologie végétale qu'il confia à Raoul Combes, lequel prit tout naturellement comme sous-directeur Roger Ulrich.
Celui-ci lui succéda en 1951 comme directeur et le demeura jusqu'à sa retraite, y compris lorsqu’en 1958 le laboratoire est devenu le "Laboratoire de Physiologie des organes végétaux après récolte". Soit 24 ans au total.
D'autres confrères seraient ici plus qualifiés que moi pour parler de son oeuvre. Comme André Gac, qui le rencontra à Bellevue dès 1947, ou Daniel Côme ou Françoise Corbineau, qui lui succédèrent à Paris. Rappelons seulement le nombre considérable de publications (plusieurs centaines) auxquelles il collabora, dont plus de 90 à notre Académie pendant un demi-siècle (1946-1996); ainsi que les ouvrages de synthèse qu'il écrivit, depuis le premier en 1952 sur "La vie des fruits", de 371 pages, qui garde encore de son actualité, au plus récent, en 1995, avec Daniel Côme, sur "le froid au service de l'Homme".
Je ne saurais citer toutes les instances, nationales ou internationales, où il exerça des responsabilités, à l'Université, au CNRS, à l'INRA, à l'Institut International du froid, à l'Union Internationale des Sciences Biologiques, à la Société française de Physiologie végétale, dont il fut Président, au Conseil national du froid, dont il fut également Président pendant cinq ans, etc.
Cette activité lui valut des décorations dans divers ordres: Officier de la Légion d'honneur, Commandeur des palmes académiques, Commandeur du mérité agricole.
On peut se faire une idée de sa notoriété en France et à l'extérieur, en feuilletant la plaquette qui lui fut remise à son départ à la retraite, où plusieurs dizaines de personnalités, dont beaucoup d'étrangers, lui dirent leur admiration.
Tous ceux qui ont eu le privilège de collaborer avec lui et de devenir ses amis savent quel homme courtois, distingué, cultivé, il était. De surcroît, bon violoniste, il prenait plaisir, avec madame Ulrich au piano, à exécuter avec notre confrère américain Benneth Thimann, quand il venait à Paris, des trios de musique classique.
Tant que sa santé le lui permit, il aimait se retrouver parmi nous pour suivre les développements de cette agronomie scientifique pour laquelle il avait si longtemps et si efficacement œuvré.