Le changement climatique et le carbone : quelles évolutions pour l’agriculture ?
Dès 2014, le GIEC a souligné l’importance unique du « secteur des terres ». Cette importance tient à la fois à sa fonction alimentaire et socio-culturelle, à sa vulnérabilité et à sa capacité à refroidir le climat. Les risques sont liés à la variabilité des pluies et à l’aridification, à l’insuffisance d’accès à l’eau d’irrigation, aux pertes de production et de revenus et aux ruptures alimentaires. Inversement, les sols et l’eau, à travers l’agriculture, la forêt et la bioéconomie, ont une capacité déterminante à lutter contre la dérive climatique avec 40% du potentiel mondial d’atténuation.
Les agricultures du futur et le carbone vert
Les agricultures du futur vont donc devoir en même temps assurer la sécurité alimentaire d’une population mondiale fortement croissante, s’adapter au changement climatique, apporter leur pleine contribution à l’effort d’atténuation, à l’économie verte de l’après-pétrole et à l’atteinte des 17 objectifs de développement durable de l’Agenda 2030 des Nations unies.
Face à ces défis, la question liée des sols, de l’eau et du « carbone vert » est centrale. C’est en effet en captant une part accrue du CO2 en excès dans l’atmosphère par davantage de carbone vert que l’on pourra à la fois :
- Améliorer les sols et paysages et leurs caractéristiques et fonctionnalités : porosité, rétention en eau, infiltration, portance, stabilité, activité biologique, biodiversité, fertilité, épuration…
- Contribuer à la réussite de l’adaptation et lutter efficacement contre la dérive climatique en séquestrant plus de carbone dans les sols et dans la végétation, en produisant davantage sur les surfaces cultivées pour mettre un terme à la déforestation responsable de 10% des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES), en substituant des produits biosourcés (biomatériaux, bioénergies) aux produits miniers fortement émissifs de GES.
La question posée est celle des options à promouvoir pour réussir nos transitions. Le rapport spécial du GIEC sur les terres a mis en avant les « systèmes agricoles intégrés durables » ainsi que la nécessité d’une meilleure utilisation des ressources en eau et en terres.
L’Afrique au cœur de tous les enjeux
L’Afrique est le continent de tous les enjeux. Les sols sont dégradés, la déforestation importante, le continent mobilise moins de 5% de ses ressources en eau et les risques d’insécurité hydrique, alimentaire et socio-politique sont très importants. Répondre à ces enjeux, c’est déjà se donner une vision d’éco-intensification à même de féconder l’action. Des objectifs ont été proposés pour l’Afrique à l’horizon 2050 lors de la séance en visioconférence organisée par l’Académie d’agriculture le 18 novembre 2020.
Pour l’Europe, il faut des objectifs pouvant répondre aux enjeux du siècle et reconnaître l’importance stratégique de l’eau et des agricultures régénératives en cherchant à stimuler l’innovation, la séquestration du carbone et les convergences positives entre les différents types d’agriculture.
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Climate change and carbon: what changes for agriculture?
As early as 2014, the IPCC stressed the unique importance of the "land sector". This importance stems both from its food and socio-cultural function, its vulnerability and its capacity to cool the climate. Risks are related to rainfall variability and aridification, insufficient access to irrigation water, production and income losses and food disruptions. Conversely, soil and water, through agriculture, forestry and the bio-economy, have a decisive capacity to combat climate drift with 40% of the global mitigation potential.
The agriculture of the future and green carbon
The agriculture of the future will therefore have to simultaneously ensure food security for a rapidly growing world population, adapt to climate change, and make their full contribution to the mitigation effort, the post-oil green economy and the achievement of the 17 sustainable development objectives of the United Nations' Agenda 2030.
In the face of these challenges, the related issue of soil, water and "green carbon" is central. It is indeed by capturing an increased share of the excess CO2 in the atmosphere through more green carbon that we will be able to both :
- Improve soils and landscapes and their characteristics and functionalities: porosity, water retention, infiltration, bearing capacity, stability, biological activity, biodiversity, fertility, purification...
- Contribute to the success of adaptation and effectively fight against climate drift by sequestering more carbon in soils and vegetation, by producing more on cultivated areas to put an end to deforestation responsible for 10% of global greenhouse gas (GHG) emissions, by substituting bio-sourced products (biomaterials, bioenergy) for mining products with high GHG emissions.
The question raised is that of the options to be promoted in order to make our transitions a success. The IPCC Special Report on Land highlighted "sustainable integrated agricultural systems" and the need for better use of land and water resources.
Africa at the heart of all the issues
Africa is the continent of all challenges. Soils are degraded, deforestation is significant, the continent mobilises less than 5% of its water resources and the risks of water, food and socio-political insecurity are very high. Responding to these challenges is already giving itself a vision of eco-intensification capable of fruitful action. Objectives were proposed for Africa by 2050 during the videoconference session organised by the Academy of Agriculture on 18 November 2020.
For Europe, targets are needed that can meet the challenges of the century and recognise the strategic importance of water and regenerative agriculture by seeking to stimulate innovation, carbon sequestration and positive convergences between different types of agriculture.
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Guillaume Benoit, membre de l’Académie d’agriculture de France, Vice-président du Plan Bleu pour la Méditerranée
> Revivre le webinaire Académie-Agreenium sur le sujet