L’Académie accompagne les transitions agricoles depuis 1761
On a tendance à imaginer les sociétés et académies d’autrefois comme des institutions destinées à honorer d’éminentes personnalités qui se retrouvaient pour deviser doctement. Tout aspect novateur en est gommé. Or la réalité était tout autre.
En 1761, transmettre les savoirs pour favoriser le Progrès
Louis XIV avait créé l’Académie des sciences pour stimuler les recherches. Louis XV retira à celle-ci le domaine de l’agriculture pour le pousser à la recherche appliquée et diffuser à un plus large public. Prenons conscience de la portée très novatrice de ces deux principes au fondement de la création de la Société d’agriculture en 1761. L’arrêt du roi formulait ainsi les missions :
« Les membres éclairés par une pratique constante, se communiqueraient leurs observations et en donneraient connaissance au public ».
Jusqu’ici, avoir les plus belles productions agricoles était un élément de la suprématie du seigneur qui gardait jalousement ses secrets. Louis XV et son ministre Henri-Léonard Bertin voulaient une société d’agriculture dans chaque siège d’intendance, avec des bureaux dans les autres villes. L’engouement pour l’agronomie était tel qu’une bourgeoisie rurale créa aussi de petites sociétés locales. Cette idée de donner accès au savoir pour tous était donc un pas vers l’égalité, ferment révolutionnaire. De plus, à la fin du XVIIIe siècle, la Société d’agriculture s’engageait avec hardiesse pour la transformation du modèle agricole, d’une gestion communautaire vers l’individualisme, dans le but d’augmenter la production. Les conséquences sociales inévitables de cette transformation contribuèrent à miner le système seigneurial, aboli en 1789.
En 2020, éclairer les débats de société
Aujourd’hui, dans un contexte où ce modèle agricole doit être repensé, où le souci de productivité doit se concilier au souci de l’environnement, les problèmes sociaux sont cruciaux, comme lors du changement du XVIIIe siècle, mais de nature certes, très différente.
L’Académie d’agriculture poursuit ses missions fondamentales : réfléchir aux implications sociales tout autant que techniques, connaître les expériences de ses membres, praticiens ou chercheurs, français ou associés étrangers, et les transmettre à un public très large, en dialoguant dans l’arène publique sous toutes ses formes, échanges intergénérationnels, présence dans les salons, sur les réseaux sociaux, interventions avec la presse…
Nadine Vivier, Présidente de l’Académie d’agriculture de France