Paris, le 12 mars 2020
L’avis sur la « Réécriture du génome, éthique et confiance » a été approuvé par séance plénière de l’Académie d’agriculture de France le 8 janvier 2020 par 85 voix pour, 7 contre et 12 abstentions (soit plus de 80% des votants). A l’issue du vote, une opinion différente « Point de vue d’académiciens » signé par 15 membres s’est manifestée pour aller au-delà de la position adoptée.
Paul Vialle et Bertrand Hervieu, rapporteurs du groupe de travail, ont animé les débats sur ce thème très sensible, ayant abouti à la rédaction de l’avis. Au terme de ces travaux, l’Académie énonce 8 recommandations selon 4 principes directeurs pour guider l‘action :
- Agir de façon responsable,
- Respecter le principe de précaution,
- Associer largement le public. Informer. Agir de façon transparente,
- Procéder à des réévaluations régulières.
L’avis analyse ces technologies de réécriture du génome (dont celle de CRISPR Cas 9), plus précises, plus rapides, moins chères que les méthodes antérieures, mais dans certains cas sans introduction d’ADN extérieur, donc impossibles à distinguer par la suite. La question éthique divise : faut-il penser le génome comme le support d’un programme que l’on peut manipuler, ou comme la mémoire d’une longue évolution qui permet à la cellule d’explorer des solutions si on lui en laisse le temps ? Une réponse consiste à élargir le débat aux diverses parties prenantes, impliquant citoyens et consommateurs, pour hiérarchiser démocratiquement les priorités, en ouvrant sans réticence les dossiers à la société. Après analyse d’exemples concrets très divers, il ressort que chaque cas est singulier, et que cette diversité doit être prise en considération tant au niveau des bénéfices que des risques éventuels.
Pendant les travaux de l’Académie, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), sur la base de la directive européenne 2001-18, a rendu une décision classant les produits issus de ces techniques parmi les OGM, indépendamment de l’évolution scientifique de ces 20 dernières années. Depuis, le Conseil d’Etat a suivi cette décision.
L’Académie affirme le bien-fondé d’utiliser ces techniques pour des objectifs de recherche cognitive, comme c’est déjà le cas en santé humaine. Elle est convaincue que leurs applications font partie des solutions pour contribuer à relever les défis mondiaux urgents actuels : biodiversité, changement climatique, évolution de la population mondiale, et qu’elles peuvent s’inscrire dans les priorités politiques actuelles, comme l’agroécologie ou le bien-être animal.
L’Académie maintient la nécessité d’une autorisation préalable mais avec des dossiers mieux calibrés et un suivi des autorisations limitées dans le temps et révocables, auxquelles il pourrait être mis fin sans irréversibilité. L’article 7 de la directive 2001-18 instaurant une procédure différenciée - apparemment jamais utilisée – peut alors fournir, sans changer la législation actuelle, un cadre juridique à tester. Pour éviter le décalage entre science et droit, l’AAF propose une révision tous les 7 ans des textes régissant ces domaines, comme pour le Conseil consultatif national d’éthique.
L’Académie demande avec insistance aux pouvoirs publics de sortir d’une position attentiste. Enfin, elle souhaite contribuer à cette évolution et, pour ce faire, est prête à solliciter et accompagner les législateurs, en lien avec d’autres académies françaises et européennes.
Pour lire l’avis : https://www.academie-agriculture.fr/publications/publications-academie/avis/reecriture-du-genome-ethique-et-confiance
Pour lire le Point de vue d’Académiciens sur… : https://www.academie-agriculture.fr/publications/publications-academie/points-de-vue/reecriture-du-genome-ethique-et-confiance-les