Dans le précédent Mensuel de mai 2020, nous vous avons présenté « A la Une » un texte sur « Covid-19 : sécurité sanitaire et sécurité alimentaire en Europe et en Afrique : mêmes enjeux, mêmes défis ».
Ce texte est accessible sur le site internet de l’Académie dans Articles à la date du 23 avril 2020
Ce texte suivant le complète :
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Pandémie du coronavirus et autonomie alimentaire : actualité et nécessité d’une reterritorialisation des systèmes alimentaires
La mondialisation vient de subir, en moins de 12 années, deux chocs violents : la crise financière de 2008 et la pandémie du coronavirus en ce début 2020. Ces chocs montrent les risques des filières d’approvisionnement spécialisées, concentrées, globalisées et financiarisées. Après avoir permis d’abaisser les coûts et donc les prix des produits alimentaires, elles se révèlent aujourd’hui peu résilientes en termes socio-économiques et sanitaires générant des externalités négatives environnementales, sanitaires et sociétales.
Instabilité des marchés agricoles, pandémies humaines et animales et dégradation des ressources naturelles révèlent des limites et les impasses du modèle agroindustriel. A l’échelle mondiale, on parle « d’insécurité alimentaire et nutritionnelle ».
Que faire ?
Pour affronter cette crise systémique de grande ampleur, un scénario alternatif au modèle agroindustriel est fondé sur le triptyque de la durabilité : équité, environnement, économie.
Ce modèle qualifié de « système alimentaire territorialisé, SAT » implique des modifications profondes du comportement des consommateurs (avec une alimentation variée et équilibrée, réduisant l’apport des protéines animales au profit des protéines végétales) et du modèle de production (moindre intensification et diversification par l’agroécologie, généralisation de l’écoconception industrielle et logistique).
Dans ce scénario de « système alimentaire territorialisé », le changement est mis en œuvre selon trois principes indépendants : l’autonomie, la proximité et la solidarité, dans un objectif de droit à une alimentation de qualité pour tous, inscrit dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1947.
L’autonomie correspond à un objectif d’accroissement de l’autosuffisance pour les denrées de base et de souveraineté alimentaire.
La proximité est triple : entre productions agricoles dans le cadre d’un écosystème local ; entre matières premières et transformation agroalimentaire, à la ferme, chez des artisans ou des PME locales ; entre producteurs et consommateurs par des circuits courts de commercialisation.
La solidarité se traduit par des statuts d’entreprise intégrant la responsabilité sociale et environnementale, des formes coopératives d’organisation des filières et une mutualisation des ressources.
Les « systèmes alimentaires territorialisés » sont concevables à l’échelle des régions et provinces de la plupart des pays du monde avec une gouvernance territoriale et un maillage national, européen et macro-régional (accord de coopération Afrique-Méditerranée-Europe).
De tels systèmes ont la capacité d’assurer un développement local durable par la reconquête du marché intérieur, mais aussi par l’exportation sur un marché international très porteur pour les produits de terroir.
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Coronavirus pandemic and food autonomy: topicality and need for reterritorialization of food systems
In less than 12 years, globalization has just undergone two violent shocks: the financial crisis of 2008 and the coronavirus pandemic in early 2020. These shocks show the risks of specialized, concentrated, globalized and financialized supply chains. After having reduced the costs and therefore the prices of food products, they are now proving to be not very resilient in socio-economic and health terms, generating negative environmental, health and societal externalities.
Instability of agricultural markets, human and animal pandemics and degradation of natural resources reveal the limits and dead ends of the agro-industrial model. On a global scale, we speak of "food and nutritional insecurity".
What can be done?
To face this large-scale systemic crisis, an alternative scenario to the agro-industrial model is based on the triptych of sustainability: equity, environment, economy.
This model, described as a "territorialized food system, SAT", implies profound changes in consumer behaviour (with a varied and balanced diet, reducing the intake of animal proteins in favour of vegetable proteins) and in the production model (less intensification and diversification through agro-ecology, generalization of industrial and logistical ecodesign).
In this scenario of a "territorialized food system", the change is implemented according to three independent principles: autonomy, proximity and solidarity, with the objective of the right to quality food for all, enshrined in the 1947 Universal Declaration of Human Rights.
Autonomy corresponds to the objective of increasing self-sufficiency in basic foodstuffs and food sovereignty.
Proximity is threefold: between agricultural production within the framework of a local ecosystem; between raw materials and food processing, on the farm, in the hands of local craftsmen or SMEs; and between producers and consumers through short marketing channels.
Solidarity is reflected in company statutes that integrate social and environmental responsibility, cooperative forms of organisation of the sectors and the pooling of resources.
Territorialized food systems" are conceivable at the regional and provincial level in most countries of the world, with territorial governance and national, European and macro-regional networking (Africa-Mediterranean-Europe cooperation agreement).
Such systems have the capacity to ensure sustainable local development through the reconquest of the domestic market, but also through exports on a very buoyant international market for local products.
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Michel Candau et Jean-Louis Rastoin, membres de l’Académie d’agriculture de France
Ce texte est tiré d’un article publié le 3 avril 2020 par 16 membres de l’Académie d’agriculture :
> Lire l'article
Par ailleurs, au sein de l’Académie d’agriculture, le groupe de travail « Transition alimentaire, filières et territoires » a publié son rapport en octobre 2019 :
> Lire le rapport