14h00/17h00 : Colloque organisé par l'Association pour l'Étude de l'Histoire de l'Agriculture (AEHA) et l'Académie d'Agriculture de France.
Ouvert à tous sans inscription préalable.
La séance suivie de l'assemblée générale annuelle de l'AEHA ( 17h30-18h30).
L'AEHA organise chaque année deux colloques. L'un est consacré à une thématique technique à caractère historique et d'actualité . L'autre présente les travaux d'une personnalité, membre de l'Académie d'agriculture tel que Henry Louis Duhamel du Monceau.
Homme de sciences, homme de lettres et grand commis de l’Etat, Duhamel du Monceau (1700-1782) fréquenta tous ceux qui bâtissaient l’Europe des sociétés savantes. Il illustre admirablement ce qu’était un esprit ouvert aux Lumières. Présenté par Diderot comme le modèle du savant philanthrope, concurrent malheureux de Buffon dont il avait aidé les débuts, il suscita éloges et critiques, mais disparut des mémoires françaises. Il convient de cerner son rôle exact, lui qui fut un des pères de la sylviculture et de l’agronomie modernes.
Né à Paris en 1700, Henry Louis était fils d’Alexandre Duhamel du Monceau, seigneur de Denainvilliers près de Vrigny (Loiret), et d’Anne Trottier. La famille descendait d’un gentilhomme néerlandais, établi en Gâtinais au XVe siècle. Pourquoi ce choix ? Apparemment, la région correspondait à ses exigences agricoles et il y avait des relations en raison de travaux d’assainissement et défrichement. L’enfant fit ses humanités au collège d’Harcourt, l’actuel lycée Saint-Louis. Il n’y brilla guère, mais manifesta un esprit méticuleux et du goût pour la rédaction. Il entama ensuite des études de droit (1718-1721) selon le vœu de son père, quoiqu’il aspirât à devenir botaniste du jardin du Roi d’après Condorcet, qui prononça son éloge funèbre devant l’Académie des Sciences. Duhamel y avait été reçu fort jeune, en 1728, suite à son mémoire sur la maladie du safran.
Henri Louis éprouva toujours la passion des sciences appliquées. Nommé inspecteur général de la Marine (1742), il multiplia les expériences sur la sélection des essences et la protection des bois destinés aux chantiers navals. Le comte de Maurepas, Frédéric de Phélyppeaux, secrétaire d’Etat à la marine, le repéra en 1727. On déplorait alors l’état de la flotte de guerre en rade de Brest ou de Toulon : trop de radoubages, trop de reconstructions. Les ingénieurs expliquaient cela par la médiocrité du matériau et la difficulté de le sécher et de le garder, sans parler du manque criant en bois courbes qui obligeait à substituer la technique à la nature. L’Académie des Sciences reçut donc mission de recenser, proposer et contrôler les méthodes de transformation.
Duhamel du Monceau voyagea beaucoup au service de la Marine : Marseille, Toulon, puis Rochefort, Lorient, Brest enfin, où il établit une école de chirurgie en rapport avec ses convictions sociales. Il visita les ports anglais (1739) pour comparer leurs procédés en matière de séchage et de stockage. Ses réflexions nourrirent le traité de l’exploitation des bois, ainsi que les Eléments de l’architecture navale. La mission fut un succès, mais le poste convoité lui échappa : intendant du Jardin du Roi, offert à son ex-bras droit, Georges Leclerc de Buffon.
Sa chance, Duhamel la trouva dans la guerre de Succession d’Autriche (1740-1748). Le conflit ravagea l’Europe centrale, mais retentit également aux colonies, les Anglais bloquant les Antilles et les Indes, d’où venaient le sucre et le coton, le gayac-bois et les épices. Défendre le système de l’Exclusif, c’est-à-dire l’obligation de commercer avec des négociants français et d’employer des navires français supposait une flotte de guerre capable de patrouiller dans les eaux chaudes de l’Océan Atlantique et de l’Océan Indien. Restaurer la Royale exigeait un matériau qui convienne aux charpentiers de marine et résiste à l’action des tarets. Comment améliorer le profil des vaisseaux ? Comment standardiser leur construction ? Comment prévenir leur détérioration ? C’est ainsi qu’écarté trois ans durant pour ses inclinations jansénistes, Duhamel devint inspecteur général de la marine (1742).
Apparue précocement, sa vocation scientifique lui valut d’être élu pensionnaire de l’Académie des Sciences en 1738, lui qui en était l’expert Marine depuis 1731. Fort de cette reconnaissance, il aida à créer l’Ecole des constructeurs de vaisseaux et à tester l’immersion des bois dans diverses substances, l’arrosage, l’imbibition et le dessèchement à l’air libre ou dans divers fours (1744). Tout cela prit fin en 1752. Il lui restait encore vingt-cinq années de labeur consacrées pour l’essentiel à l’agronomie : il observa les sols dont dépendaient la sélection des essences et la croissance des peuplements, et étudia la valorisation des friches et pâquis.
Loin d’être limités à la sylviculture, les résultats de Duhamel du Monceau concernent l’amélioration des terres et l’augmentation de leur rapport grâce à l’épandage des cendres et la rotation des cultures. Cela l’amena à décrire des métiers ruraux disparus aujourd’hui et méconnus autrefois des élites sociales. Comme dans l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert, dont il rédigea les articles agronomiques, sylvicoles et maritimes, ses Traités d’arts donnent à voir les gestes manuels au moyen de gravures nombreuses et précises. Conscient des nécessités de la vulgarisation, il sut attirer des éditeurs comme Desaint, Guérin et Delatour vers ce nouveau marché du savoir en adaptant vocabulaire et illustrations au plus grand nombre : celui des non spécialistes.
Au reste, Henri Louis n’était ni un homme de pouvoir, ni un homme qui rêvait à l’exercer ou à le réformer. Il mourut à Paris sans mesurer tout ce que le siècle lui devait et sans comprendre qu’il était un de ses enfants et un des pères de la physiologie végétale.
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Texte initialement destiné à la Revue de l'Académie