Édouard POURET
(1920 – 2011)
Le docteur vétérinaire Édouard Pouret qui vient de nous quitter en octobre dernier fut incontestablement un spécialiste mondialement connu et apprécié de la physiologie de la reproduction des juments et de la chirurgie sportive du cheval.
Reçu en 1942 au concours d'admission des écoles vétérinaires, il choisit celle de Lyon qui était alors en zone libre. Son amour des animaux et sa passion exclusive pour le cheval s'étaient manifestés beaucoup plus tôt : très jeune à Limoges, résidence de sa famille, puis au cours de son adolescence, il s'initie à l'équitation et a la possibilité d'accompagner un ami vétérinaire dans ses tournées auprès d'éleveurs d'anglo-arabes. Sa carrière reçoit déjà là un début d'orientation.
À sa sortie de l'école de Lyon, il obtient une des huit bourses offertes par le gouvernement britannique aux étudiants diplômés de grandes écoles et universités françaises et anglaises souhaitant s'orienter vers la recherche dans des branches d'activités intéressant les deux pays. Dans sa lettre de motivation, il insiste sur son attrait pour l'Angleterre « pays du cheval » et la nécessité d'améliorer la prolificité de l'espèce. C'est ainsi qu'il est reçu et affecté au laboratoire de physiologie de la reproduction du professeur John Hammond à Cambridge. Le programme concerne essentiellement l'étude des organes des juments et de leur fonctionnement : exploration tactile, détection des anomalies, suivi de la vie génitale, vérifications après abattage… Ce sont là les bases de la méthode d'auscultation et gestion qu'il introduira ultérieurement en France. Il profite de son séjour en Grande-Bretagne pour développer sa connaissance des milieux hippiques, particulièrement celui des courses.
En fin de stage, le professeur Hammond le qualifie de travailleur capable et efficace. Il l'incite à compléter sa formation en hormonologie aux États-Unis et lui recommande l'université du Kentucky. Edouard Pouret traverse l'Atlantique en s'engageant comme matelot-vacher sur un cargo transportant du bétail de Glasgow à Montréal, une aventure étonnante qu'il raconte avec verve dans son passionnant ouvrage « Des Chevaux par Milliers ». Il est reçu au laboratoire de bactériologie et de virologie du docteur Dimock, spécialiste connu du cheval de course, puis au cabinet vétérinaire Haggyard installé à Lexington capitale américaine de l'élevage des chevaux. Edouard Pouret se fait apprécier et aurait sans doute pu s' installer sur place, mais au bout de quelques mois il est candidat à une offre d'emploi du haras argentin El Pelado, qui cherche un spécialiste de la reproduction, capable de remédier à une situation bien dégradée.
Recommandé par ses amis vétérinaires américains, il est accepté et rejoint cet immense établissement au cœur de la pampa : 34.000 hectares, 350 employés, 26.000 têtes de bétail, 2.500 chevaux de selle, 200 juments de pur sang, 800 kilomètres de clôtures, où l'avion est un indispensable outil de travail individuel. Initialement, il se voit confier l'élevage des purs sangs dont le propriétaire Jorge de Atucha veut pallier une forte mortalité des poulains en bas âge qui abaisse le taux de fertilité à seulement 30%.
Réussissant à identifier l'agent infectieux et le vecteur de la maladie, le docteur Pouret met en place une hygiène stricte assortie d'un vermifugeage intensif. C'est un succès et il est promu à la tête de l'ensemble de l'estancia El Pelado, une responsabilité considérable qu'il conserve quatre ans.
On sait qu'en France, après des études intéressantes à la fin du dix neuvième siècle, le cheval a été progressivement délaissé par les scientifiques au fur et à mesure que diminuait son rôle comme source d'énergie. Pourtant, lorsqu’Édouard Pouret revient en 1951, une demande existe, en particulier de la part d'éleveurs de chevaux de pur sang qui déplorent une fertilité trop faible grevant la rentabilité de leurs établissements. Fort du savoir-faire acquis en Angleterre, aux États-Unis et en Argentine, il va apporter de nouvelles méthodes de suivi des cycles des juments et se faire apprécier malgré une certaine résistance des milieux hostiles à l'innovation. Il s'installe en Normandie et acquiert une belle notoriété.
Il est appelé en consultation non seulement en France mais aussi en Irlande, en Espagne, au Maroc, au Vénézuela et bien d'autres pays. Son principe de base ne change pas : il ne s'agit pas seulement de soigner les malades, il faut élever les animaux dans un climat attentif et une bonne ambiance. Ainsi, il pratique le bien-être animal anticipant les discours actuels !
Le renouveau d'intérêt pour les chevaux de sport (pur sang, trotteurs, selle) suscite l'émergence d'une clientèle nouvelle. Les chevaux valent plus chers; ils appellent des soins et traitements difficiles et onéreux. Pouret poursuit naturellement son travail dans sa spécialité concernant la reproduction et créé une deuxième branche d'activités, celle de la chirurgie sportive pratiquée dans sa clinique à proximité d'Argentan (Orne). C'est encore la réussite due à sa disponibilité, son diagnostic, son adresse et aussi, disait-il, à l'importance qu'il attache aux soins post-opératoires.
En 1972, aux jeux olympiques de Munich, les équipes de France ne réussissent en aucune des disciplines de l'équitation. Leurs échecs créent une sorte de malaise qui a de l'influence, l'année suivante, sur l'élection du président de la fédération des sports équestres. Les amis d'Edouard Pouret pensent à lui, le convainquent de se présenter et le font élire. Il assume ce mandat important pendant la durée d'une olympiade, soit quatre ans. Il a la satisfaction de voir le succès français aux jeux suivants de Montréal : médaille d'or en concours de sauts d'obstacles par équipe. Dans la célébration de cette réussite, son nom est associé à ceux des quatre cavaliers (Parot, Roche, Roguet et Rozier) remontés, selon l'usage établi, exclusivement en chevaux français et aussi à ceux du directeur technique national, F.Charpy, qui était également directeur du haras du Pin et de l'entraineur J. d'Orgeix, vedette de cette discipline.
Edouard Pouret ne cesse pourtant pas ses activités professionnelles. Au delà de sa belle clientèle privée, il est fréquemment consulté et ses avis ne manquent pas de poids. Par exemple, s'agissant de l'emploi de méthodes modernes résultant des recherches sur le cheval relancées à partir de 1973, il est favorable à l'usage de l'échographie alors que le milieu est au début franchement réservé. A cet égard, son indépendance a été remarquable et a rendu grand service. Je suis heureux de pouvoir en témoigner.
Élu en 1975, correspondant de l'académie d'agriculture, le docteur Pouret était Officier de la Légion d'honneur, titulaire de la médaille d'or des sports, chevalier du mérite agricole.
Henry Blanc
Membre de l'Académie d'Agriculture de France