COMMUNIQUE DE PRESSE DE L'INSTITUT NATIONAL DE RECHERCHE POUR L’AGRICULTURE, L’ALIMENTATION ET L’ENVIRONNEMENT (INRAE)
Publié le 17 mars 2020
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L’évaluation des effets environnementaux de l'agriculture et de l'alimentation fait l’objet de nombreuses études et est au cœur de nombreux débats. Cependant, la méthode d'analyse la plus largement utilisée néglige bien souvent certaines questions essentielles, tels que la biodiversité, la qualité des sols, les impacts des pesticides ou les changements sociétaux. Un chercheur d’INRAE et deux collègues suédois et danois rapportent dans la revue Nature Sustainability que ces oublis peuvent conduire à des conclusions erronées lorsqu’il s’agit de comparer agriculture conventionnelle et biologique.
La méthode la plus courante pour évaluer les impacts environnementaux de l'agriculture et de l'alimentation est l'Analyse du cycle de vie(ACV). Des études utilisant cette méthode montrent parfois que l'agriculture biologique est pire vis-à-vis du climat par comparaison à l’agriculture conventionnelle car l’agriculture biologique produit des rendements plus faibles et utilise donc plus de terres pour compenser cela. Par exemple, c’est ce qu’a affirmé une étude récente publiée dans Nature Communications.
Or, trois chercheurs français, danois et suédois, viennent de publier une analyse critique de nombreuses études d’ACV dans laquelle ils démontrent que cette mise en œuvre de l’ACV est trop simpliste et passe à côté d’avantages majeurs de l’agriculture biologique.
Dans un premier temps, leur analyse montre que les études d’ACV actuelles ne prennent que rarement en compte la biodiversité, qui est d'une importance cruciale pour la santé et la résilience des écosystèmes. Cependant, elle est en déclin dans le monde et l'agriculture conventionnelle s'est avérée être l'une des principales causes de tendances négatives observées, telles que le déclin des insectes et des oiseaux. L'agriculture occupe plus du tiers de la superficie terrestre mondiale. Tous les liens entre les pertes de biodiversité et l'agriculture sont donc extrêmement importants. Des études antérieures ont déjà montré que les champs conduits en agriculture biologique supportent des niveaux de biodiversité environ 30% plus élevés que les champs conduits en agriculture conventionnelle. De plus, entre 1990 et 2015 l’utilisation des pesticides dans le monde a augmenté de 73 % et les résidus de pesticides dans le sol, dans l'eau et dans les aliments peuvent être nocifs pour la santé humaine, les écosystèmes terrestres et aquatiques et causer une perte de biodiversité. L’agriculture biologique interdit l'utilisation de pesticides de synthèse. Mais peu d’études d’ACV tiennent compte de ces effets pour autant.
Par ailleurs, la dégradation des terres et la réduction de la qualité des sols résultant d'une gestion non durable des agroécosystèmes constituent également un problème qui, encore une fois, est rarement considéré dans les études d'ACV. Les avantages des pratiques agricoles biologiques, telles que des rotations mobilisant une plus grande diversité de cultures et l'utilisation d'engrais organiques, sont paradoxalement souvent négligés dans les études d'ACV.
De manière cruciale, l’ACV évalue généralement les impacts environnementaux par kilogramme de produit. Cela favorise les systèmes intensifs conventionnels qui peuvent avoir des impacts plus faibles par kilogramme de produit, tout en ayant des impacts plus importants par hectare de terre. Par ailleurs, l’ACV devra mettre en œuvre une approche plus fine tenant compte des processus écologiques, adaptés aux caractéristiques locales des sols, du climat et de l’écosystème.
La méthodologie et les pratiques actuelles d’ACV ne sont tout simplement pas suffisantes pour évaluer les systèmes agroécologiques tels que l’agriculture biologique. Il faut donc améliorer l’ACV et l'intégrer à d'autres méthodes d'évaluation environnementale pour obtenir une image plus équilibrée et éclairer aux mieux les décisions politiques.
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