Le lin : production territorialisée à haute valeur ajoutée ou espèce à développer dans les rotations de grandes cultures ?
Une visite d’académiciens sur les terres du lin, en Normandie, a été l’occasion de discussions autour de cette culture et de sa filière et de question plus larges sur l’avenir de cette espèce cultivée.
La Normandie (Eure, Seine-Maritime…) concentre près de 40% de la production mondiale, complétée par des implantations plus modestes en Picardie et en Bretagne. Après un recul après la guerre 39-45, la culture est repartie à la hausse puisqu’actuellement ce sont près de 130 000 ha qui sont cultivés en France, du fait de cours à la hausse, faisant du lin un produit de haute valeur. 95% de la production est exporté vers la Chine qui s’interroge sur l’opportunité d’importer directement les balles de lin brut et d’assurer le teillage sur place.
Les exigences agronomiques, notamment un temps de retour long dans la rotation (toxicité des champignons qui se développent lors de la transformation au champ – rouissage), la nécessité de pluies après arrachage pour ce rouissage, puis un retournement pendant l’été au moment de la récolte qui s’étale de Juillet à septembre, créent des contraintes fortes de conduite de la culture et limitent les zones de culture.
Une fois le lin récolté, les chaînes de teillage (récupération des fibres longues et élimination de l’anas (fibres courtes et autres résidus de la tige qui sont récupérés pour d’autres finalités industrielles – litières, matériaux pour l’aviation, l’automobile…) et de peignage mobilisent des équipements spécifiques.
L’organisation de la filière est compliquée, puisqu’en matière textile, si la paille et la fibre « brute » sont majoritairement produites en Normandie actuellement, le filage et la production textile sont majoritairement réalisées en Asie (Chine, Asie du Sud-Est et maintenant Inde), sans compter que les produits finis (textiles sous différentes formes, vêtements, draps, linge de maison…) sont surtout commercialisés en Amérique, en Europe… ; ce qui fait de cette filière dans son ensemble une filière internationale très complexe.
Cette visite a permis de soulever diverses questions pour l’Académie :
- le lin, peu demandeur d’intrants (10 fois moins d’unités d’azote que le blé tendre à l’ha) est une bonne entrée d’assolement pour le blé ; mais cette culture demande des sols bien structurés et humectés, non calcaires, les plus plats possible… Quelles sont les limites pédoclimatiques de cette culture en plein développement ? l’amélioration génétique pourrait-elle permettre de dépasser ces limites ?
- Les altises qui peuvent détruire une linière dans sa phase d’installation constituent actuellement le problème phytosanitaire majeur. Des recherches peuvent-elles lever ce problème ?
- Le lin dépend du climat pour son développement très rapide au printemps, son humectation en été pour le rouissage au champ. Le changement climatique, dont l’augmentation de la variabilité climatique, entraîne une variabilité de la qualité, et nécessite une gestion de stocks sur plusieurs années, des mélanges pour l’usinage… Comment prendre ces éléments en compte pour maintenir la filière compétitive ?
- Les filières lin, chanvre, miscanthus… ont des différences, en termes de conduite des cultures, de contraintes pédoclimatiques, de filières et marchés : une comparaison peut-elle être source de réflexion pour ces filières ?
Autant de questions qui demandent à être instruites pour faire du lin une culture qui diffuse dans les assolements de diverses régions françaises.
Pour lire le compte-rendu de la visite : ici