L’ADN (ADNe) et l’ARN (ARNe) environnementaux : marqueurs du vivant dans les écosystèmes
Colloque à l'Académie le 28 septembre 2023
L’immense intérêt de la génomique environnementale est de passer de l’analyse des génomes individuels à l’étude génétique de communautés complexes (macroorganismes, microorganismes, virus) coexistant dans l’environnement (milieux océaniques, sédiments, sols, microbiotes). L’ADNe et l’ARNe constituent des marqueurs privilégiés, débouchant, dans un cadre transdisciplinaire, sur des connaissances nouvelles qui modifient notre vision de la biodiversité et du fonctionnement du vivant dans n’importe quel biotope.
Au cours de ce colloque organisé par l’Académie d’agriculture de France, dix personnalités scientifiques exposeront leurs résultats les plus récents. L’intérêt majeur est de révéler comment l’ADNe/ARNe permettent désormais d’étudier la complexité de la biodiversité en relation avec son rôle dans la structuration, la fonctionnalité et la résilience des interactions biologiques du vivant dans l’ensemble des écosystèmes terrestres ou marins.
Des marqueurs génomiques indicateurs de la biodiversité
Les séquences code-barres ADN sont le reflet d’espèces ayant vécu dans un environnement donné. Ces organismes sont soit vivants, soit aujourd’hui disparus (cadavres, détritus, restes fossiles), marquant ainsi la diversité du vivant des écosystèmes. La séquence code-barres peut aussi se trouver dans l’environnement, relarguée en raison d’une lyse cellulaire de l’organisme. Une acceptation récente montre que tous les organismes vivants sont capables d’émettre dans leur environnement des acides nucléiques, ADN et ARN, via des vésicules extracellulaires ou via divers excrétas, poils ou fèces.
Un outil performant
Le barcoding moléculaire est un outil taxonomique universel permettant la caractérisation génétique d’individus isolés ou mélangés dans un échantillon, à partir de fragments standards de leur ADNe/ARNe (de quelques dizaines à quelques centaines de nucléotides). Conservés au sein d’une même espèce, mais différents entre les espèces, ils permettent une bonne discrimination entre les taxons. Malgré diverses limites méthodologiques, ces marqueurs sont utilisés dans des domaines variés allant de la détection d’espèces, à l’estimation de la biodiversité, à l’écologie par l’estimation des régimes alimentaires, en passant par la paléobiologie et la paléoanthropologie.
Nouvelle compréhension de la biodiversité et domaines d’applications
L’analyse des traces d’ADN et d’ARN environnementaux marque une étape dans notre compréhension de la biodiversité terrestre et de son fonctionnement, englobant virus, bactéries, microorganismes, macroorganismes. Des résultats spectaculaires ont été acquis, en particulier dans la détection d’organismes cryptiques, inconnus (virus, bactéries, nanoplancton, microbiotes). Ces méthodes, non intrusives, détectent des macroorganismes furtifs, ou rares, ou migrateurs, en renseignant sur leurs comportements migratoires, sexuels ou leur sélectivité alimentaire.
Contrairement au génome « vestige », les ADN et ARN extracellulaires peuvent exercer un rôle biologique spécifique, modifiant la physiologie d’autres organismes coexistant dans l’environnement (exemple des réactions immunitaires contre des pathogènes).
Parmi les applications les plus marquantes, citons à titre d’exemple les études sur l’évolution de la végétation arctique, sur la diversité et l’abondance insoupçonnées des protistes marins, ou sur l’évaluation de la qualité des sols, des milieux lacustres ou de l’air, et enfin comme sentinelle d’épidémies.
Serge Poulet, biologiste marin, océanographe, directeur de recherche émérite CNRS, membre de l’Académie d’agriculture de France
> En savoir plus sur le colloque et s'y inscrire
Illustration (AAF) : Plaquette du colloque
===
Environmental DNA (eDNA) and RNA (eRNA): markers of life in ecosystems
Conference at the Académie on 28 September 2023
The immense interest of environmental genomic is to move from the analysis of individual genomes to the genetic study of complex communities (macroorganisms, microorganisms, viruses) co-existing in the environment (oceans, sediments, soils, microbiota). ADNe and ARNe are preferred markers, leading, in a transdisciplinary framework, to new knowledge modifying our vision of biodiversity and the functioning of living things in any biotope.
Ten scientists invited by the Academy of Agriculture will present their latest results. The main interest of the symposium is to reveal how ADNe/ARNe can now be used to study the complexity of biodiversity in relation to its role in structuring, the functionality and resilience of the biological interactions of life across terrestrial and marine ecosystems.
Genomic markers as indicators of biodiversity
DNA barcode sequences reflect species that have lived in a given environment. These organisms are either alive or now extinct (corpses, detritus, fossil remains), thus marking the diversity of living ecosystems. The barcode sequence may also be in the environment, released a result of cell lysis in the organisms. Recent acceptance shows that all living organisms are capable of emitting nucleic acids, DNA and RNA into their environment, via extracellular vesicles, either through various excreta, hairs, or feces.
A powerful tool
Molecular barcoding is a universal taxonomic tool for the genetic characterization of individuals isolated or mixed in a sample, from standard fragments of their ADNe/ARNe (from tens to hundreds of nucleotides). Preserved within the same species, but different between species, they allow good discrimination between taxa. Despite various methodological limitations, these markers are used in a variety of fields ranging from species detection, biodiversity estimation, ecology through diet estimation, paleobiology and paleoanthropology.
New understanding of biodiversity and areas of application
The analysis of traces of environmental DNA and RNA, mark a step in our understanding of terrestrial biodiversity and its functioning, encompassing viruses, bacteria, microorganisms, macroorganisms. Spectacular results have been obtained, in particular, in the detection of cryptic, unknown organisms (viruses, bacteria, nanoplankton, microbiota). These non-intrusive methods detect stealthy, or rare, or migratory macroorganisms by providing information on their migratory, sexual, or food selectivity behaviours.
Unlike the “vestige” genome, extracellular DNA and RNA can play a specific biological role, altering the physiology of other organisms co-existing in the environment (for example, immune responses to pathogens).
The most notable applications include studies on the evolution of Arctic vegetation, on the unexpected diversity and abundance of marine protists, or on the assessment of soil, lake or air quality, and finally as a sentinel of epidemics.
Serge Poulet, marine biologist, oceanographer, CNRS Emeritus Research Director, member of the French Academy of Agriculture
> Find out more about the conference and register
Illustration (AAF) : Conference brochure