L’alimentation en débat
L’alimentation ? La nutrition ? Bien manger : de quoi s’agit-il ? La question est chaque jour à la une des médias, avec une dose excessive d’idéologie, d’erreurs, de points de vue opposés, mal documentés, d’intérêts contradictoires… qui ne sont pas toujours dévoilés.
Reléguant bien souvent l’alimentation au second plan, se mêlent confusément des questions de durabilité, de climat, d’agriculture, de surpopulation, de gestion des terres agricoles, de santé, de toxicologie, d’industrie, de social, de politique, de transparence, de bien-être animal… sans oublier le bio, les pesticides, le pouvoir d’achat, les fraudes, les intoxications, la qualité, l’omnivorisme battu en brèche par le véganisme, le crudivorisme, etc.
Dans ce tohu-bohu, le citoyen s’y perd, parce que les propriétés nutritionnelles et alimentaires sont submergées par d’autres considérations, quand elles ne sont pas occultées. La sécurité sanitaire des aliments est importante, mais elle monopolise l’attention, alors que la question de l’alimentation est beaucoup plus complexe, car nous ne mangeons pas des aliments isolés, mais un ensemble d'aliments qui doivent être complémentaires, dans le temps du repas et aussi sur plusieurs repas, plusieurs jours, voire plus !
Chaque aliment doit donc être sain, mais la question n'est pas seulement là : il faut souvent manger de tout, en quantités modérées. Du beurre, mais pas trop. Des frites, mais pas à tous les repas. De la viande, mais sans excès… Privilégier un aliment, ou en négliger un autre, déséquilibre le régime. Or un régime alimentaire doit impérativement apporter à l'organisme tous les composés dont il a besoin : eau, protéines, graisses, sucres, vitamines, minéraux, oligoéléments… et tout le reste, aux divers stades de la vie.
Qui plus est, l’alimentation est devenue « moderne » : technologies nouvelles, nanoparticules, génie génétique, technologie des polymères (et autres) pour les emballages… Il semble y avoir beaucoup de science et de technologie derrière les aliments modernes. Mais n’oublions pas que cela fut toujours plus ou moins le cas : le pain et le vin ne sont-ils pas des aliments ultra-transformés, par rapport au grain de blé ou de raisin, à l’origine du produit ? Nous ne mangeons pas des ingrédients, mais des aliments, des mets qui impliquent la technologie alimentaire.
Manger occasionne divers avantages et inconvénients environnementaux. L’agriculture émet des gaz à effet de serre qui perturbent le climat, elle consomme de l’énergie pour produire et transporter les denrées, peut contribuer à la déforestation, mais inversement, elle permet le stockage de dioxyde de carbone dans les produits de l’agriculture, contribue à l’entretien des paysages, aux emplois, aux exportations, et à la qualité de vie, entre autres.
Manger devient un acte politique complexe et compliqué, qui ne peut plus s'évaluer sans prendre en compte la totalité des composantes. « Mastique éthique » : l’injonction est très incomplète et trop forte ! Manger, ce n'est pas manger comme un animal, mais manger avec une culture : manger aussi des symboles… sans négliger la physiologie humaine, la biologie, la chimie, la physique.
L’alimentation est un art, la nutrition est une science (balbutiante…). Il y a lieu de sérieusement réfléchir, avant d’émettre un avis à propos de l'alimentation. Il faut bien comprendre les enjeux physiologiques, techniques, économiques, sociaux, environnementaux, éclairer la société et les décideurs, et, en contribuant à un débat collectif apaisé, savoir préserver un art de vivre dont notre pays s'enorgueillit.
Un groupe d’experts de l’Académie d’agriculture de France vient de publier « Le grand livre de notre alimentation », qui se doit de promouvoir la vérité scientifique, et combattre les fake news, les informations tendancieuses….
La Section « Alimentation humaine » de l'Académie souhaite être reconnue comme un centre de références en termes d'information et de rigueur scientifique sur le sujet de l’alimentation.
Jean-Marie Bourre, membre de l’Académie d’agriculture de France et de l’Académie de médecine
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