Du poisson pour tous à la fin du siècle ?
Les regards que nous portons sur l'Océan sont variés et complexes. Ils dépendent de notre histoire, de notre culture, de notre imagination, de nos activités, ou plus trivialement de nos intérêts.
Aujourd’hui, les ressources alimentaires d'origine marine posent une question lancinante : l'Océan pourra-t-il constituer une réponse aux besoins alimentaires de 10 milliards d'êtres humains prévus à la fin du siècle ? Possible, à condition de développer une aquaculture, marine et d'eau douce, privilégiant des organismes de niveaux trophiques faibles, c’est-à-dire à la base de la chaîne alimentaire (Algues, Moules, Huîtres, Carpes, Tilapias, Silures…).
L’aquaculture intensive moderne atteint déjà un taux de croissance annuelle de 7-8 %. Pour des raisons économiques, elle favorise l’élevage de super-carnivores (Truites, Dorades, Bars, Thons…).
Actuellement, la consommation annuelle globale de viande dépasse les 300 millions de tonnes, soit le double de celles des poissons, mollusques et crustacés. Compte tenu de la stagnation, depuis 1990, des captures mondiales au niveau de 90 millions de tonnes/an, due à l'épuisement des ressources halieutiques, et du faible taux de croissance de la production mondiale de viande (2%/an), la pisciculture marine apparaît comme une alternative.
Cependant, le fait qu'elle soit axée sur l'élevage de poissons carnivores rend cette industrie fragile et probablement non durable. En effet, la fabrication d’aliments artificiels pour les élevages incorpore 30 à 70% de farine et d'huile issues de pêches minotières intensives de poissons pélagiques. Cette industrie, qui canalise actuellement plus de 26 % des prises totales des pêcheries mondiales, risque de ne plus être renouvelable bien avant la fin du siècle, justement à cause de l'épuisement des stocks de petits poissons sauvages.
Une autre vision répandue tend à penser l'Océan comme futur Eldorado, au-delà des besoins alimentaires. Une prochaine séance de l’Académie d’agriculture le 12 décembre 2018 permettra de souligner l’intérêt de la biodiversité marine dans les domaines industriel, pharmacologique, médical et de l’énergie à partir des connaissances scientifiques et de leurs applications en biotechnologie.
Serge Poulet, membre de l’Académie d’agriculture de France