L’Institut Montaigne vient de rendre public un rapport ainsi titré, dans lequel il propose "une nouvelle ambition collective pour la France agricole et agroalimentaire requèrant de mener conjointement six chantiers, qui visent à réinvestir le caractère stratégique de notre agriculture et de notre alimentation".
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Ces six chantiers sont les suivants :
- Donner un cap stratégique cohérent et de long terme aux politiques publiques. Cette vision constitue le socle de la reconquête agricole et agroalimentaire. Accélérer la transition agricole requiert une politique agricole ambitieuse à l’échelle européenne. Pour autant, on ne pourra pas mener cette ambition à terme sans mettre la politique commerciale en cohérence avec nos préférences collectives. Il faut pouvoir avancer sur la réciprocité dans les échanges commerciaux pour que les importations de produits alimentaires respectent les mêmes standards que notre production domestique. Renforcer la souveraineté alimentaire invite aussi à la reconquête de notre souveraineté protéinique, par le soutien au développement des protéines végétales en Europe pour nos élevages et notre alimentation.
- Restaurer la compétitivité des filières agricoles. Car il n’est pas possible de mettre en œuvre cette indispensable transition sans dégager les financements nécessaires aux investissements. Restaurer des conditions de concurrence loyale constitue un prérequis essentiel pour éviter de pénaliser les "mieux disant", comme la France l’est bien souvent, sur le marché unique. Pour gagner en compétitivité, un effort de (re)structuration est indispensable dans certaines filières agricoles et agroalimentaires. Il faut en parallèle investir massivement dans le déploiement des innovations et la modernisation des outils (usines, bâtiments, logistique). Parallèlement, il convient de réformer les relations entre amont et aval pour partager plus équitablement la valeur et le risque inhérent aux transitions. Cette contractualisation rénovée nécessitera un effort de tous les maillons de la chaîne alimentaire pour assurer leur juste rétribution.
- Revaloriser le revenu agricole et réenchanter les métiers constitue un chantier de taille pour attirer davantage les nouvelles générations et répondre aux besoins du secteur. Le revenu est le premier déterminant pour attirer de nouveaux profils. S’il est important de maintenir des aides publiques à la hauteur des défis qui attendent le monde agricole, la revalorisation du revenu des agriculteurs passera aussi par sa diversification. Un soutien plus prononcé à la production énergétique renouvelable à partir de biomasse agricole (méthanisation, biocarburants…) est un levier à actionner. Par ailleurs, il convient d’accompagner davantage les porteurs de projets et la transmission des exploitations pour installer de nouveaux agriculteurs. Communiquer davantage sur les opportunités des métiers du vivant et adapter la formation aux pratiques et aux métiers de demain (carbone, agriculture numérique...) constitue un autre levier important du renouvellement des générations en agriculture.
- Donner aux agriculteurs les moyens de produire et entreprendre durablement. Cette politique implique de préserver les facteurs indispensables à la production agricole. Renforcer la protection du foncier agricole dans les documents d’urbanisme est un prérequis pour préserver notre potentiel de production face à l’artificialisation des sols. Il convient également d’imaginer des solutions foncières innovantes et partenariales pour favoriser l’installation de nouveaux agriculteurs. Par ailleurs, un réinvestissement du génie hydraulique (retenues, recyclage des eaux usées…) est compatible avec une gestion durable de la ressource en eau. L’agriculture doit aussi bénéficier des avancées de la recherche génétique (sélection, NBT). La France agricole est prête à accélérer sa baisse de consommation d’intrants fossiles (engrais de synthèse, phytosanitaires) à condition de pouvoir compter sur des alternatives crédibles et un accompagnement viable et de long terme dans sa transition.
- Accompagner les changements de pratiques agricoles. Ce défi requiert un effort accru de recherche et de déploiement des innovations. Il importe de mieux prioriser les efforts de recherche pour concentrer les moyens vers les impasses techniques les plus critiques. Le déploiement des innovations dans les exploitations requiert de cibler les investissements dans une logique de triple performance économique, sociale et environnementale. Ces changements de pratiques passent aussi par un accompagnement plus soutenu des modes de production plus durables (HVE, bio, signes de qualité). À ce titre, une réforme des outils de gestion des risques est indispensable pour assurer des filets de sécurité aux agriculteurs dans la transition. Rémunérer les pratiques vertueuses, comme le stockage du carbone dans les sols, représente un autre levier à actionner pour accélérer la transition agricole en France tout en permettant aux entreprises de se décarboner. L’agriculteur de demain sera aussi un carboniculteur.
- Accélérer la marche vers une alimentation durable et de qualité. Cette transition alimentaire passera par un effort accru de lutte contre la précarité et le gaspillage alimentaire, pour mettre le droit à l’alimentation au bénéfice du plus grand nombre. Renforcer la transparence alimentaire par les étiquetages constitue également un levier important pour éclairer les choix du consommateur et pour promouvoir les produits frais, les plus sains et "origine France". Cette transition alimentaire passe aussi par de nouveaux outils pour éduquer à une alimentation plus saine et durable.
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Plusieurs membres de l'Académie d'agriculture de France (Marion Guillou, Philippe Mauguin, Bernard le Buanec, Pierre Feillet) ont été auditionnés par l'Institut Montaigne lors des travaux préparatoires à l'élaboration de son rapport.
Pour lire le rapport "En campagne pour l’agriculture de demain. Propositions pour une souveraineté alimentaire durable" de l'Institut Montaigne, cliquer sur le lien Internet, ci-dessous :