Lieu de la séance : Académie des Sciences
Au cours des quelques derniers milliers d’années, l’Homme a provoqué au sein des espèces qu’il a élues pour subvenir à ses besoins des orientations nouvelles et rapides de leur évolution et finalement de profondes transformations génétiques. Il les a domestiquées. L’agriculture et l’élevage ont été « inventés » peu à peu, permettant aux communautés humaines de se structurer, de se sédentariser, de croître, de s’établir dans de nouvelles régions plus propices.
Ces bouleversements du Monde ont évidemment pour cause première l’émergence de l’homme moderne, l’Homo sapiens. En retour, changeant son mode de vie en passant de la chasse à l’élevage et de la cueillette à la culture, ses régimes alimentaires se sont modifiés et l’Homme s’est lui-même modifié. Ces évolutions se sont produites dans un environnement changeant qu’attestent par exemple les déplacements des aires de répartition de certaines espèces végétales qui sont sensibles aux variations climatiques. L’agriculture et l’élevage ont conquis de nouveaux territoires, les espèces ont été transportées d’un continent à un autre et elles se sont adaptées à de nouveaux milieux.
Domestications et migrations sont à l’origine de ce qui fait le quotidien de notre alimentation, de notre environnement et de notre culture. Genre humain, espèces domestiquées, agriculture et élevage sont interdépendants. C’est un écosystème.
Les traces de cette histoire du monde se trouvent dans les sites archéologiques mais aussi dans les génomes des êtres vivants concernés. Grâce aux formidables progrès techniques des dernières années sur le séquençage de l’ADN, les génomes sont accessibles dans leurs moindres détails. Comme l’ADN est une molécule suffisamment stable, des prélèvements sur des petits fragments de squelette ou des pollens fossilisés nous apportent des informations nouvelles et parfois surprenantes sur l’évolution des espèces domestiques et de l’Homme.
A quoi servirait la connaissance de l’histoire sinon à comprendre notre présent et à tenter de construire notre futur ?
L’Homme a modifié son milieu, il a éliminé des espèces ou considérablement réduit leur effectif, il assiste à une évolution des climats dont il est en partie responsable, il poursuit pour quelque temps encore sa progression démographique résultat des prodigieux progrès médicaux et alimentaires. En contraste avec ces changements observés sur plusieurs milliers d’années, des migrations d’espèces parfois envahissantes, favorisées par le développement considérable des échanges intercontinentaux et par l’étonnante plasticité du vivant, se produisent à un rythme sans précédent. L’histoire des domestications, à la lueur des génomes, montre que la croyance dans les vertus d’un passé immuable serait tout autant stérile que criminelle. Cet écosystème élaboré par l’Homme, comme tout écosystème, est en perpétuelle évolution. Il nous faudra à la fois préserver ses capacités d’adaptation et lui permettre d’accueillir et d’exploiter efficacement et judicieusement de nouvelles formes domestiques. Nous pourrons en avoir la maîtrise par la mobilisation des sciences du vivant et des sciences agronomiques.