Le Phosphore (P) est un élément indispensable aux êtres vivants, non substituable. Il entre dans la composition de molécules essentielles à la vie comme les phospholipides, constituants des parois cellulaires, les ATP/ADP/AMP, molécules clés de l’énergétique cellulaire, ou encore l’ADN, support de l’information génétique. Le phosphore du sol est prélevé par les racines des plantes à l’état ionique dissous, sous forme d’ions orthophosphates H2PO4- ou HPO42-. Les sols contiennent entre 0,1 et 2,5 mg P par g de sol sec, mais sa biodisponibilité pour la plante est limitée du fait de fortes interactions avec les phases solides des sols.
Historiquement l’effort de recherche sur l’élément P a d’abord été motivée par son rôle en nutrition des plantes, découvert au milieu du 19ème siècle. Bien que la notion de « facteur limitant » soit aujourd’hui remise en cause, il demeure que la disponibilité en P limite la production primaire dans beaucoup d’écosystèmes à travers le monde, y compris en sols cultivés. Un effort considérable de recherche a été conduit pour comprendre la dynamique du P dans le système sol-plante, en particulier les processus par lesquels la racine mobilise le P dans son environnement, et les stratégies mises en place par la plante pour s’adapter à une disponibilité faible. Dans les pays ayant intensifié leur agriculture, la fertilité P des sols a été augmentée par des apports d’engrais fabriqués à partir de roches phosphatées. Des systèmes de diagnostic/prescription ont été mis au point pour raisonner la fertilisation au niveau parcellaire, fondés sur l’analyse de terre et la production de références issues d’essais de longue durée, qui montrent aujourd’hui leurs limites.
Dans les années 1980, la contribution du phosphore à l’eutrophisation des écosystèmes aquatiques a été mise en évidence. Bien que le phosphore d’origine agricole ne soit pas seul responsable, un effort de recherche a alors été entrepris pour mieux comprendre les voies de transfert et les flux de P depuis les parcelles agricoles jusqu’aux hydrosystèmes. Les transferts de P se faisant principalement par érosion particulaire au niveau des bassins versants hydrologiques, cet enjeu a été à l’origine d’une nouvelle génération de travaux visant à comprendre les flux de P dans les paysages et à proposer des aménagements visant à les maîtriser.
Enfin, depuis les années 2000, plusieurs chercheurs ont alerté la communauté internationale sur le risque de raréfaction de la ressource en roches phosphatées. Au delà de l’épuisement inéluctable des réserves, dont le terme fait débat, c’est surtout le risque géopolitique qui inquiète car la quasi-totalité des ressources est détenue par un très petit nombre de pays. L’Union Européenne en particulier ne dispose quasiment d’aucune ressource. A termes, il n’y a pas d’alternative au recyclage.
La séance fera le point des avancées des connaissances relativement à ces trois enjeux, et mettra en évidence les fortes interactions qui existent entre eux.
en co-signature avec Jean-Marcel DORIOZ et Rémi DUPAS