Jean-Marc BOUSSARD, Président de l'Académie d'Agriculture pour l'année 2014

Analyste des politiques économiques, du local au global

La rencontre d’un économiste n’est pas simple, surtout lorsqu’il est à la fois ingénieur agronome et docteur es sciences économiques. Mais, à l’écoute de Jean-Marc Boussard, double médaillé d’or de l’Académie, et qui aime faire référence aux théories de Walras, on découvre un esprit libre, polémiste à ses heures, chercheur et enseignant, fin connaisseur des politiques agricoles…et qui n’est pas un libéral à tout crin, quand on parle des agriculteurs et de la place de l’agriculture dans l’économie de marché.

Entré à l’INRA au début des années 60, à l’issue de son service militaire comme sous-lieutenant en Algérie, peu porté sur les calculs numériques,  il fut conduit, dès son entrée  à l’INRA à s’intéresser aux possibilités offertes par les  nouveaux « cerveaux électroniques »  qui commençaient à se vulgariser. A ses yeux, en permettant l’étude rapide d’un  grand nombre d’hypothèses, ceux-ci  pouvaient devenir  en économie l’équivalent du microscope en biologie.

Comme le calcul électronique coûtait cher, il fut amené à prospecter des financeurs comme la Compagnie du Canal de Provence. A cette occasion fut développée un modèle du comportement des agriculteurs qui, tenant compte du risque, permit de vérifier l’hypothèse selon laquelle le véritable obstacle au passage des céréales en sec aux légumes irrigués  en Provence à cette époque était moins le prix de l’eau que  le crainte de ne pas pouvoir vendre convenablement des  produits aux cours très fluctuants. A partir de là, Jean-Marc Boussard, considéré,  comme un  spécialiste de l’irrigation,  est alors appelé pour des  missions d’étude et d’expertise dans de nombreux pays, ce qui lui permet de tester son modèle provençal dans des contextes entièrement différents. .

Cependant, le prolongement naturel de ces modèles dits « microéconomiques » (parce que relatif à des exploitations ou à des firmes ) était d’en étudier les implications au niveau national ou mondial,  pour  trouver une explication plausible  aux  fluctuations de prix. Après beaucoup d’efforts,  cela finit par déboucher sur le  modèle ID3 de l’agriculture mondiale qui avait pour but de vérifier la validité dans un monde incertain des prédictions de divers organismes internationaux sur les bénéfices à attendre de la libéralisation des marchés agricoles. Les résultats conduisent à  penser que ces bénéfices, très variables,  sont moins grands que prévus et peuvent même être négatifs en moyenne.  D’où l’idée, encore en chantier, de proposer des solutions alternatives , au moyen de solutions habilement dirigistes  telles que des  politiques publiques  de stockage déstockage.

Plus généralement, Jean-Marc Boussard propose de développer des interfaces entre recherches technique et économique, avec la création de vastes banques de données, qui permettraient  de nourrir des modèles pour l’élaboration de politiques agricoles moins incohérentes que celles actuellement mises en œuvre dans de nombreux pays.
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Des idées qu’il va pouvoir promouvoir comme président de l’Académie en 2014, après en avoir été vice-trésorier et aussi comme un des animateurs de l’Union européenne des académies d’agriculture jusqu’à ces derniers mois.